18.12.2024
« La Turquie ne quittera pas l’OTAN »
Presse
12 mai 2017
Il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’un scoop. Car en réalité, les États-Unis livraient déjà des armes à ces milices kurdes qu’ils formaient grâce à la présence de troupe spéciales sur place. Ce qui est nouveau c’est d’assumer publiquement ce soutien comme l’a fait Donald Trump. Cette décision va contribuer à augmenter les livraisons d’armes tant quantitativement que qualitativement. Il s’agit ainsi de préparer l’offensive sur la ville de Raqqa dont on ne connaît pas le calendrier mais qui constitue un objectif militaire majeur.
Or les Américains ne souhaitent pas engager de troupes au sol dans une bataille contre Daech qui ne s’annonce pas comme une partie de plaisir. La lente reprise de Mossoul montre d’ailleurs à quel point Daech vendra chèrement sa peau.
Le dessein des Américains est donc de s’appuyer sur les Forces démocratiques syriennes qui sont principalement composées de Kurdes liés aux YPG (ndlr: Unités de protection du peuple, branche armée du Parti kurde syrien). Ces hommes et ces femmes courageux ont fait leur preuve contre Daech. Ils sont les seuls à combattre les jihadistes de façon efficace et victorieuse. Les Kurdes de Syrie sont en effet très déterminés car il s’agit de leur terre, de leurs maisons, de leurs familles. Ils ont un projet politique, de société qui est radicalement différent de celui des jihasites de Daech.
Cette décision a toutefois jeté un froid entre la Turquie et les États-Unis…
Les Turcs sont très en colère contre les États-Unis. Pour eux, les YPG sont en réalité la simple projection du PKK en Syrie. Or le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan, est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie mais aussi par les États-Unis, la France, l’UE. L’encadrement militaire des YPG est en effet assuré par des membres aguerris du PKK.
Une fois la bataille de Raqqa remportée, les Turcs craignent un approfondissement de l’autonomie de la zone kurde syrienne. Soit à leurs yeux, la constitution d’une entité terroriste à leur frontière. D’autant que Syrie et Turquie partagent 920km de frontière dont 420 km sont contrôlés par les YPG.
Cette autonomisation donnerait par ailleurs des idées aux Kurdes de Turquie… Ankara est persuadé qu’elle peut éradiquer militairement la guérilla du PKK. C’est une erreur totale de perspective. Cette guerre qui ne veut pas dire son nom dure depuis 1984, soit plus de trente ans. Et le PKK n’a non seulement pas été vaincu, mais il est beaucoup plus puissant qu’à l’époque. Seule une négociation politique permettrait désamorcer ce conflit.
La Turquie va-t-elle pour autant quitter l’OTAN comme l’a menacé son président?
La Turquie ne quittera pas l’OTAN car c’est une garantie de sécurité pour elle. De même qu’elle n’interdira pas l’utilisation de la base militaire américaine, située sur son sol en zone Kurde, pour des opérations de bombardement contre Daech. La rencontre entre Trump et Erdogan dans les jours à venir promet d’être explosive. Mais il n’y aura pas de rupture.
Il faut souligner que les Russes soutiennent aussi les YPG. De fait, les Turcs se retrouvent dans une situation d’isolement diplomatique. C’est le produit de leurs erreurs successives.