21.11.2024
Donald Trump destitué : un scénario envisageable ?
Interview
18 mai 2017
Comment interpréter les agissements, décriés, de Donald Trump envers la justice états-unienne ?
Le limogeage brutal, le 9 mai dernier, du directeur du FBI James Comey, puis les justifications discordantes des différents porte-parole du président – que celui-ci a même contredits en renchérissant sur son compte Twitter -, montrent que rien ne va plus à Washington.
Cette semaine, le New York Times a dévoilé que Donald Trump avait demandé à Comey d’arrêter d’enquêter sur Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale. Celui-ci avait été remercié en février dernier car il est soupçonné d’avoir laissé entendre aux Russes, avant même sa prise de fonction à la Maison blanche, que Trump annulerait les sanctions contre Moscou sur la question ukrainienne, ce qui est illégal. Le président aurait notamment formulé cette demande à Comey – cela a son importance – après l’éviction de Flynn.
La veille de cet article du New York Times, le Washington Post a révélé que Trump avait déclassifié des informations secrètes sur les modus operandi de Daech (en particulier sur la manière de commettre des attentats dans les avions). Selon le journal, le président aurait communiqué ces renseignements lors d’une réunion dans le bureau ovale au ministre russe des Affaires étrangère et à l’ambassadeur russe aux États-Unis. Une « course à l’enquête russe » s’est engagée entre les deux grands quotidiens nationaux, que Trump critique sans cesse et qui n’ont donc pas de raison de lui faire de cadeau. C’est pour cela aussi que la comparaison avec le Watergate est souvent évoquée, car ce sont deux journalistes du Washington Post qui ont fait tomber Richard Nixon. Trump risque de payer le prix de son goût du conflit et du clivage, oubliant que la grande presse nationale est un contre-pouvoir redoutable, surtout quand elle est attaquée comme c’est le cas depuis la dernière campagne présidentielle.
Comey a rédigé des notes après ses échanges avec le président relatant la teneur de leurs conversations. C’est donc, pour l’heure, sa parole contre celle de Trump. Mais ce dernier a une image de menteur et de manipulateur qui lui colle à la peau ; sa crédibilité est donc plus qu’entachée.
Le Congrès s’intéresse de près à cette affaire. Jason Chaffetz, président républicain de la commission de surveillance du travail gouvernemental à la Chambre des représentants, a envoyé une lettre le 16 mai au directeur par intérim du FBI pour lui demander de lui faire parvenir « tous les mémos, notes, résumés et enregistrements relatifs à une quelconque communication entre Comey et le président ». De plus, un procureur spécial vient d’être nommé par le département de la Justice pour mener une enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle et sur un éventuel lien avec l’entourage de Trump. Il s’agit d’un ancien directeur du FBI, Robert Mueller, qui a servi sous G. W. Bush et Obama et qui est très respecté de part et d’autre de l’échiquier politique.
La suite dira si Trump a commis une faute juridique mais il est évident qu’il a commis en tout cas une, et même plusieurs, fautes politiques. Le président agit comme s’il craignait quelque chose et comme s’il paniquait qu’on le découvre.
Diplomatiquement, quelles peuvent être les conséquences de la supposée révélation par de Donald Trump d’informations confidentielles à la Russie ? Est-il alors réellement envisageable qu’il soit destitué alors que le Congrès est majoritairement républicain ?
En soi, la déclassification d’informations secrètes par le président n’est pas illégale mais elle le décrédibilise auprès des alliés, notamment d’Israël d’où semblent venir ces informations. La presse israélienne a laissé entendre que le projet de voyage officiel de Trump en Israël pourrait être repoussé, bien que cela ne semble pas être le cas pour l’instant. Le président états-unien s’isole sans doute un peu plus chaque jour sur la scène internationale ; ses alliés peuvent alors être tentés de le court-circuiter et de privilégier les réseaux diplomatiques et des services secrets pour partager des informations confidentielles.
Mitch McConnell, le leader de la majorité républicaine au Sénat, demande à ses troupes de se concentrer sur l’agenda au Congrès mais les élus démocrates sont vent debout. Quelques élus républicains – seront-ils plus nombreux dans les prochains jours ? – font notamment la comparaison avec le Watergate, à l’image de John McCain.
Cependant, la procédure de destitution n’est pas près d’être engagée et encore moins d’aboutir. La mise en accusation doit être votée par la Chambre des représentants à la majorité simple, puis un procès du président serait engagé devant le Sénat, sous la présidence de la Cour suprême. Une majorité des deux tiers est alors nécessaire pour mettre en cause la responsabilité pénale individuelle du président et le destituer. La forte majorité dont Trump dispose à la Chambre des représentants et celle, plus modeste, au Sénat le protègent actuellement d’une destitution. Il est utile de rappeler qu’en 1974, Nixon n’avait la majorité ni au Sénat, ni à la Chambre des Représentants et que la procédure d’impeachment n’est pas allée jusqu’au bout mais l’a poussé à la démission.
Dans l’histoire des États-Unis, une telle procédure n’a, pour l’heure, jamais abouti. Mais le seul fait qu’on évoque cette éventualité quatre mois après son arrivé à la Maison Blanche montre combien Trump est fragile et peu légitime, ce qui l’irrite d’autant plus : il ne supporte pas d’avoir été mal élu – il a obtenu trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton. C’est un cercle vicieux, potentiellement dévastateur parce que Trump multiplie les coups de force, voire les « crises d’autoritarisme » pour montrer qu’il est le chef ; en oubliant qu’il est en démocratie et qu’il y a des règles.
Certains observateurs invoquent aussi le 25e amendement de la Constitution américaine, qui permet entre autres de démettre le président de ses fonctions s’il est jugé inapte par son cabinet ou le Congrès. On n’en est pas là non plus mais il est évident que chez ses adversaires, et même dans son propre camp, toutes les options sont actuellement étudiées pour se débarrasser de lui.
Face à ces nombreux scandales, le bilan global de la présidence Trump depuis son investiture n’est-il donc que négatif ?
Décidément, l’ombre de la Russie plane sur cette présidence Trump… D’autant que Vladimir Poutine prend aujourd’hui encore sa défense ! Trump, qui ne cesse de dire qu’il existe un complot contre lui, ne fait qu’alimenter un peu plus la thèse – bien plus tangible celle-ci – d’une corruption de son entourage, et peut-être de lui-même, avec les autorités russes dont le rôle dans sa victoire en novembre dernier n’est sans doute pas nul.
Concernant son bilan, il a échoué sur plusieurs de ses promesses (immigration) ; est très fragile sur d’autres (réforme de la santé, vote du budget fédéral au Congrès) ; en a enterré certaines (sanctions contre l’Iran, politique commerciale et monétaire agressive contre la Chine) ; et a fait volte-face sur de nombreux sujets de politique étrangère (OTAN, relations avec l’Union européenne, etc.). Néanmoins sur d’autres thèmes de l’agenda, comme la lutte contre les droits des femmes et le retour en arrière sur la protection de l’environnement, il a donné des gages aux ultra-conservateurs. C’est aussi pour cela qu’ils le soutiennent encore. Mais pour combien de temps ?