13.12.2024
« La dégradation des États et de la sécurité dans le Sahel est générale »
Presse
3 mai 2017
Les problèmes sécuritaires qui touchent le nord du Mali descendent au sud. Ils s’installent dans le centre du pays, le long de la boucle du Niger, dans les régions de Segou et Mopti.
Ce phénomène a commencé, il y a deux ans, par un effondrement de la sécurité au quotidien. La loi, l’ordre et ce qui restait de l’appareil régalien de l’État malien dans cette région fortement peuplé se sont retirés. C’est dans ce contexte qu’est apparu le Front de libération du Macina, un mouvement caractérisé par le mécontentement des Peuls de la région. L’espace libéré par Bamako est occupé par des groupes armés, à l’image de ce qui se passe au nord du Mali.
Le Mali n’est-il pas en train d’imploser ?
L’implosion est en cours. Le Mali me rappelle l’Afghanistan. L’insécurité se généralise à l’ensemble du pays : dans les années à venir, les étrangers et les représentants de l’État ne pourront plus circuler dans une grande partie du Mali.
L’armée française est-elle en train de s’enliser ?
Elle permet à l’État malien de se maintenir. Sans elle, la survie du régime est très aléatoire. Mais ce dernier n’a pas su engager sérieusement les négociations avec les groupes rebelles et n’arrive pas à reconstruire un appareil d’État digne de ce nom.
Le Niger, pays voisin, est-il le prochain maillon faible de la région ?
L’appareil régalien du Niger me semble encore d’assez bonne qualité. L’appui français et américain est solide, en matière de sécurité par exemple. C’est un pays qui peut tenir à condition que nous l’aidions à couvrir une partie de ses dépenses de sécurité, à renforcer son administration, ses activités agricoles et son développement économique.
Depuis l’intervention Serval, en janvier 2013, la déstabilisation de la bande nilo-saharienne ne s’est-elle pas aggravée ?
Nous assistons à une dégradation générale des États et de la sécurité dans cette zone. L’exemple le plus criant est le Mali. Une démographie excessive, une agriculture en panne, l’absence de travail pour les jeunes, l’essor du salafisme dans les zones rurales et le développement des mafias liées au trafic de drogue, dressent un tableau extrêmement sombre de l’avenir de la région.
Que préconisez-vous ?
La France doit mettre de l’ordre dans la pagaille de ses interventions en Afrique. Les différents acteurs au Sahel doivent s’entendre pour se mobiliser autour d’objectifs communs. Pour cela, il faudrait que le prochain président français nomme une personne chargée de coordonner les actions entre les ministères des affaires étrangères, de la Défense, de Bercy et de l’Agence française de développement dans le Sahel et le Maghreb.
Au niveau international, il faut reprendre le contrôle de l’aide multilatérale pour l’orienter vers les besoins : la consolidation des États, la sécurité, le développement économique et la transition démographique. Et enfin, la communauté internationale doit assurer le financement des dépenses de sécurité de ces pays trop pauvres pour s’en charger.
Recueilli par Laurent Larcher