17.12.2024
Guerre en vue ? Ce qu’il faut savoir pour comprendre pourquoi la situation de la Corée du Nord est loin de se résumer aux folies d’un dictateur lointain
Presse
2 mai 2017
La « crise » nord-coréenne a débuté en 1993, par les premières réactions américaines à un programme nucléaire militaire initié par Pyongyang. Elle a comporté de nombreux épisodes, très largement marqués d’un côté par les chantages et provocations de Kim Jong Il et de l’autre par une gestion très opaque des négociations par une partie de l’administration américaine. Année après année, de négociations bilatérales en négociations à six, de promesses, de cadeaux et de sanctions, les choses n’ont guère évolué.
Aux menaces ont succédé des essais nucléaires et des lancements de missiles, conduisant à des sanctions plus ou moins réalistes, sans que la situation ne se pacifie. L’arrivée aux affaires de D. Trump a très vite été marquée par un changement de ton. Le nouveau Président, au rebours de déclarations pré-électorales qui donnaient à penser qu’il désengagerait son pays du rôle de gendarme du monde, a décidé de prendre des positions très fortes. Mais ce qui peut être perçu comme un revirement est aussi une assurance donnée aux alliés Coréens et Japonais. Si on leur demande de mieux s’assumer, on leur prouve aussi qu’on ne les laisse pas seuls. Après avoir annoncé qu’il n’excluait pas une action en force, il a aussi obtenu de la Chine qu’elle s’implique vraiment. La donne a changé et tous les pays de la zone sont concernés.
En Chine :
Les relations entre Pékin et Pyongyang ont été, dans un premier temps, scellées par une très importante participation chinoise à la guerre de Corée. A l’envoi de plus de deux millions de volontaires (dont plusieurs centaines de milliers seront tués) s’ajoute l’accueil et la formation de cadres, ainsi qu’une très importante aide matérielle. Les relations sont longtemps restées très solides, surtout après la rupture Chine-URSS. Elles ont été concrétisées en 1961 par la signature d’un Traité d’Alliance, qui a été renouvelé et reste en vigueur au moins jusqu’en 2021. Toutefois, sur le plan militaire, cette alliance n’a jamais conduit à la création de capacités communes. En pratique, la frontière s’étend sur 1400 kilomètres et la Chine est le principal partenaire économique de la Corée du Nord, même si cela ne représente plus que quelques pourcents de ses échanges avec la Corée du Sud.
Les premières dissensions visibles se sont fait jour au début des années 2000, quand la Chine, directement impliqué dans les négociations sur le programme nucléaire nord-coréen, a été confronté aux refus de Pyongyang. Cependant, elle n’a appliqué que très mollement les sanctions décidées par l’ONU. Dans le même temps, consciente de ce que tout effondrement entraînerait un afflux de réfugiés, elle a continué à assurer la plus grande part des besoins du pays, tant en le fournissant (pétrole, nourriture, produits manufacturés) qu’en important (charbon). Elle a aussi essayé de développer (avec la Russie et sans grand succès) une zone franche, là où les trois pays partagent un point commun (embouchure de la Tumen).
La poursuite des programmes balistique et nucléaire du Royaume Ermite est dorénavant fortement condamnée par Pékin, qui se lasse de soutenir à bout de bras un « allié » si peu coopératif. Un conflit dans la péninsule, causé par une intervention américaine ou simplement dernier sursaut d’un régime aux abois, conduirait à de lourdes destructions. Il provoquerait aussi un effondrement du régime de Kim, avec comme première conséquence un afflux massif de réfugiés. Une réunification des deux Corées, mettrait un allié des Etats Unis au contact direct.
On ne sait pas quelles ont été les décisions prises à l’issue de la toute récente rencontre des Présidents Xi et Trump, mais il semble que ce dernier, en échange de quelques concessions sur les échanges commerciaux, a obtenu que Pékin augmente ses pressions sur Pyongyang.
Cela s’est traduit, presque immédiatement, par des pressions économiques sur la Corée du Nord, qui semblent s’accompagner d’un renforcement de la présence militaire dans la zone frontalière. Pour la Chine, l’idéal serait une transition en douceur vers un régime plus pacifique et plus ouvert au monde, mais économiquement viable et capable de préserver l’indépendance du pays. Pour cela, elle continuera probablement à soutenir Pyongyang, mais ce soutien pourrait connaître de plus en plus de restrictions en cas de nouvelles provocations.
Russie :
La Russie ne partage qu’une toute petite frontière (19km, fleuve Tumen) avec la Corée du Nord et le seul passage est un pont. Alliée active pendant la guerre de Corée, l’URSS s’est petit à petit éloignée. En 1988, pendant les Jeux de Séoul, elle a même exercé de lourdes pressions pour dissuader de tout acte hostile. Après la chute de l’URSS, les relations sont devenues difficiles et n’ont repris du volume qu’à partir de 1996. Depuis cette date, la Russie ne se considère pas comme particulièrement menacée, mais s’oppose fermement à tout aventurisme nucléaire et/ou balistique. Elle participe aux négociations à six, mais, surtout, tente d’aider au développement économique de la Corée du Nord et a annulé une grande part des vieilles dettes du pays
Japon :
Les relations ont toujours été complexes. La péninsule a été colonisée et durement exploitée par le Japon entre 1905 et 1945. De nombreux Coréens se sont expatriés. Ceux partis au Japon, volontaires ou déportés ont formé une importante minorité, les Zainichi. Beaucoup d’entre eux sont rentrés au pays, mais il en reste en certain nombre qui entretiennent des relations -faciles- avec la Corée du Sud ou -difficiles- avec la Corée du Nord, en fonction de choix familiaux ou idéologiques. Une organisation qui regroupe les partisans du Nord, Chongryon, est le représentant de facto de Pyongyang, en l’absence de relations diplomatiques normales. En effet, malgré plusieurs tentatives de normalisation, celles-ci n’ont pas été établies.
Outre son alliance avec les Etats Unis, Pyongyang reproche à Tokyo le refus de payer des compensations pour la période coloniale. De leur côté, les Japonais associent à ces résidents nord-coréens de nombreuses activités criminelles. Mais c’est surtout la menace directe des missiles et des armes nucléaires qui provoquent un rejet presque unanime de la part de la population et les craintes des dirigeants. Dans la période actuelle, la ligne dure envers Pyongyang est largement soutenue.
Corée du Sud :
C’est la Corée du Sud qui est la plus directement concernée par la menace du voisin du Nord avec lequel elle reste techniquement en état de guerre.
Les différents gouvernements ont pris des positions diverses, allant de la dureté à la volonté de venir à des relations apaisées. La « Sunshine Policy », inaugurée en 1998 a permis de vrais dialogues, des réunions familiales et l’établissement d’une zone industrielle mixte à Kaesong. A partir de 2006, la multiplication des provocations du Nord ont conduit à l’arrêt de cette politique d’ouverture. La Présidente Park vient d’être destituée. Les élections auront lieu le 9 mai prochain, et elles devraient porter au pouvoir Moon Jae-in, favorable à un apaisement des relations intercoréennes.
Le problème de la réunification des deux pays a longtemps été en tête des préoccupations. Les années qui passent distendent les liens familiaux et l’envie d’une réunification s’estompe dans une population qui en craint aussi le coût. Les Coréens du Sud sont partagés entre une perception très négative du Nord et l’envie de retrouver des relations qui éloigneraient leurs craintes.
Le récent durcissement de la politique américaine a provoqué, de la part de Pyongyang, des déclarations qui menacent directement le Sud. Ces menaces sont très fortement ressenties par une population qui n’oublie ni le passé ni le fait que la capitale est à portée d’artillerie de la ligne de démarcation. Le tout récent déploiement de moyens de défense anti missiles américains est perçu par une partie de la population comme une provocation qui risque d’attirer des représailles.
Autres :
La Corée du Nord ne menace pas directement d’autres pays, mais elle est largement perçue dans le monde comme un danger pour la paix et un proliférateur. Elle a aussi longtemps exporté des armes au profit de divers pays du Tiers Monde et est soupçonnée de prolifération nucléaire et balistique. Pour certains, elle est aussi un fournisseur de main d’œuvre à bas prix.
La France est l’un des deux seuls pays européens, avec l’Estonie, à ne pas avoir de relations diplomatiques avec la Corée du Nord.