13.12.2024
Emmanuel Macron : quelle orientation stratégique pour la France ?
Édito
24 avril 2017
L’ampleur de la victoire du candidat du mouvement « En Marche ! », si on ne la connaît pas encore, devrait tout de même être nette, dans la mesure où Marine Le Pen ne semble pas disposer de beaucoup de réserves de voix. Ceux qui s’étaient inquiétés d’une possible victoire de la candidate du Front national (FN), en se fondant sur les votes de protestation aux États-Unis (Trump) ou au Royaume-Uni (Brexit), oublient que le système électoral français est à deux tours. Ainsi, Marine Le Pen est empêchée de gagner une élection de ce type en l’état actuel.
Concernant la politique étrangère, l’ampleur du score aura une importance certaine : plus haut sera le score de Marine Le Pen, plus le crédit de la France s’en trouvera affecté à l’extérieur. Le fait même qu’elle soit présente au second tour peut déjà constituer un choc, même si ce dernier était largement anticipé.
Marine Le Pen se réclame – de manière exagérée et mensongère – parfois du général de Gaulle. Le fait de vouloir entretenir des relations avec la Russie ne suffit guère à qualifier une politique de gaulliste : tout dépend s’il s’agit d’une relation saine et équilibrée ou d’une relation de dépendance (y compris financière à l’égard de Moscou, cf. le prêt bancaire de Marine Le Pen). Concernant les États-Unis, la candidate FN affirme paradoxalement vouloir en être indépendante tout en souhaitant un ralliement à Trump. Imagine-t-on le Général de Gaulle attendre dans une cafétéria dans l’espoir d’un rendez-vous ? C’est donc à tort que Marine Le Pen se réclame d’une diplomatie gaullienne, aussi bien par rapport aux États-Unis que par rapport à la Russie ; sans parler du rapport aux pays émergents et à l’islam : de Gaulle avait, lui, fait de la réconciliation avec les pays arabes un objectif prioritaire par la fin de la guerre d’Algérie.
Emmanuel Macron s’est, quant à lui, réclamé du gaullo-mitterrandisme au cours de la campagne. Il n’a cependant pas été plus explicite sur les implications d’un tel positionnement. Le candidat du mouvement « En marche ! » s’était notamment distingué de Manuel Valls à propos de la déchéance de nationalité, ce qui lui avait valu des soutiens initiaux forts. En outre, Emmanuel Macron a soigneusement évité de parler de « troisième guerre mondiale », d’islamo-fascisme et de choc des civilisations, sources de clivage, termes que Marine Le Pen et d’autres candidats n’hésitent pas à employer.
Concernant la politique étrangère de Macron, on constate que la composition de ses conseillers est très hétérogène : ni gauche, ni droite ; des néo-conservateurs comme des gaullo-mitterrandistes. Les nominations aux postes diplomatiques clefs, notamment au Quai d’Orsay et à la Défense, seront essentielles dans l’appréciation de sa politique étrangère. Quant à l’OTAN, la position de Macron reste relativement classique : il demande une défense européenne mais ne remet pas en cause la réintégration de la France dans l’organisation transatlantique. Ici encore, il faudra voir au pied du mur quel type de maçon sera le candidat en termes d’affaires extérieures.
Vis-à-vis de la Russie, Emmanuel Macron a pris des distances avec Vladimir Poutine, se démarquant ainsi de ses concurrents – Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et François Fillon – qui réclamaient un rééquilibrage des relations avec Moscou. Cependant, lorsque Macron sera à l’Élysée, il se rendra vite compte que la Russie est un partenaire important dont il ne faut pas s’éloigner trop fortement. Dans le passé, Nicolas Sarkozy, qui avait déclaré qu’il ne serrerait pas la main de Vladimir Poutine, a finalement eu une politique très coopérative avec Moscou ; au point de vouloir lui vendre des Mistral – ce qui n’a pas abouti à cause de l’affaire ukrainienne. Par ailleurs, Emmanuel Macron a appelé à la levée des sanctions contre la Russie, à condition que les accords de Minsk soient respectés. On peut penser qu’une fois président, Emmanuel Macron oubliera le soutien fort de Moscou envers Marine Le Pen, afin de mener la politique nécessaire aux intérêts de la France à l’égard de la Russie.
À propos du conflit israélo-palestinien, Emmanuel Macron semble ne pas vouloir prendre de positions qui pourraient lui attirer l’hostilité des institutions juives françaises. Il est effectivement resté plus que prudent et a même condamné les campagnes de boycott, tout en déclarant qu’il ne reconnaîtrait pas unilatéralement l’État palestinien. Emmanuel Macron se place en réalité dans les pas de François Hollande, qui avait promis durant sa campagne de reconnaître la Palestine pour finalement y renoncer, essentiellement pour des motifs de politique intérieure. On verra donc si Macron reprendra cette ligne ou bien s’il renouera avec la tradition française, consistant à être au premier rang parmi les pays occidentaux dans la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que de s’afficher comme le pays occidental le plus proche de la cause palestinienne.
Pour résumer, le candidat Emmanuel Macron a essayé d’attirer le maximum d’électeurs possible et de ne braquer personne, en étant pour cela relativement flou sur certains points qui pouvaient être jugés trop clivants en politique étrangère. Désormais, les prudences qui l’accompagnaient comme candidat ne sont plus de mises : en tant que président, il devra trancher, assumer et montrer quelle politique étrangère il souhaite mettre en œuvre. Et s’il confirme sa volonté de s’inspirer d’une filiation gaullo-mitterrandiste, il faudra qu’il n’hésite pas à être tranchant et aller contre les vents dominants à l’extérieur et les groupes de pression à l’intérieur, afin de mettre en place une politique qui ne prenne en compte que l’intérêt national.