27.12.2024
« Au Venezuela, l’État est devenu un champ de bataille »
Presse
31 mars 2017
La Croix : Peut-on parler de « coup d’État » s’agissant des derniers événements politiques au Venezuela ?
Christophe Ventura : Il faut faire attention à la terminologie employée. Le seul coup d’État au sens propre du terme dans l’histoire du pays, avec intervention des forces militaires, a été un coup d’État manqué. C’était en 2002, contre Hugo Chavez. La situation actuelle ne rentre pas dans les cases habituelles du « coup d’État », même si bien sûr la démocratie est en jeu. Le pays, touché par une crise économique et sociale très grave, arrive à un niveau de conflit politique sans précédent.
Peut-on parler de « coup d’État » s’agissant des derniers événements politiques au Venezuela ?
Il faut faire attention à la terminologie employée. Le seul coup d’État au sens propre du terme dans l’histoire du pays, avec intervention des forces militaires, a été un coup d’État manqué. C’était en 2002, contre Hugo Chavez. La situation actuelle ne rentre pas dans les cases habituelles du « coup d’État », même si bien sûr la démocratie est en jeu. Le pays, touché par une crise économique et sociale très grave, arrive à un niveau de conflit politique sans précédent.
Plutôt que de « coup d’État », je parlerai plutôt d’un État qui est devenu le champ de bataille entre le mouvement chaviste et son opposition, chaque camp prenant appui sur les institutions pour se battre. Les chavistes tiennent le pouvoir exécutif et la Cour constitutionnelle, proche du gouvernement de Nicolás Maduro. L’opposition a pris ses quartiers à l’Assemblée nationale.
Que change la décision de la Cour suprême de s’octroyer le droit d’édicter des lois ?
C’est la suite logique des choses, qui vient officialiser un État de fait. Tout a commencé il y a plusieurs mois déjà, lorsque la cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la nouvelle Assemblée nationale. Les Chavistes estiment en effet que plusieurs députés ont été mal élus. En réalité, c’est à ce moment-là que la cour s’est arrogé le pouvoir législatif. Le président Nicolás Maduro a déclaré que cette situation était transitoire. C’est surtout pour lui un jeu tactique dans lequel il théâtralise le conflit aux yeux de la communauté internationale. Derrière cela, il y a notamment un message adressé aux États-Unis – soutien de l’opposition – que le gouvernement tiendra bon.
Que peut-il se passer dans les semaines qui viennent, alors que la tension est encore montée d’un cran entre les deux camps ?
Il y a plusieurs scénarios possibles. Pour commencer, il y a un vrai risque d’engrenage. Les opposants aux chavistes pourraient se radicaliser, y compris dans la rue, avec des risques d’affrontement.
Mais il y a aussi une issue plus constructive pour les Vénézuéliens si la pression internationale oblige les deux camps à dialoguer. Le président vénézuélien Nicolás Maduro avait envisagé le 5 février dernier la possibilité d’une réunion entre des représentants du gouvernement et de l’opposition en présence du pape François.
De fait, le Vatican et l’Union des nations sud-américaines (Unasur) peuvent jouer un rôle important pour sortir le pays de l’impasse politique. La mise en œuvre de leur agenda pourrait conduire à une clarification de la situation de l’assemblée nationale. Pour fonctionner, ce plan devra aller de pair avec un plan économique, en parallèle des efforts de dialogue. Le pays a besoin d’être approvisionné – notamment en médicaments –, de créer un climat qui rassure les investisseurs étrangers, de trouver les conditions pour que le secteur privé fonctionne.
Recueilli par Jean-Baptiste François