27.11.2024
« Bachar, un allié irrespectueux de Poutine »
Presse
8 avril 2017
L’avantage militaire apparaît comme peu évident. Bachar al-Assad avait en effet les choses en main. Il n’avait donc pas besoin d’armes chimiques pour tuer des gens et faire des destructions. Il a d’ailleurs fait bien plus de mal sans cet arsenal. De plus, il devait s’attendre à une réaction vu l’horreur que suscite ce type d’armes. C’est d’ailleurs une source de réflexion : pourquoi n’agit-on pas pour 300 000 morts «conventionnels» et à l’inverse pour quelques dizaines de morts par armes chimiques ?
La seule explication rationnelle que l’on puisse donner à ce bombardement est que Bachar al-Assad voulait torpiller les négociations en cours en faisant en sorte que l’opposition ne veuille plus le voir. Il craignait que ces discussions, menées sous l’égide des Russes, n’aboutissent à une solution qui aurait permis au régime de rester mais sans lui. C’est dans cette optique qu’il a fait usage du gaz sarin dont l’intérêt militaire est inexistant.
La réplique militaire des États-Unis change-t-elle la donne en Syrie ?
C’est un signal plus politico-médiatique qu’un changement réel de situation. Il s’agit plus une gesticulation particulièrement musclée de Donald Trump qui montre qu’il est tout à fait capable d’intervenir, bien qu’il ait annoncé le contraire durant sa campagne électorale. Mais ce n’est pas avec ces frappes aériennes que les États-Unis vont renverser Assad et trouver une solution diplomatique.
Sachant que la Syrie est la chasse gardée des Russes, n’y a-t-il pas un risque de retrouver une situation de guerre froide ?
Il y a déjà des tensions. Le rapprochement annoncé entre Washington et Moscou n’a pas eu lieu. La Syrie a pour soutien l’Iran et la Russie. Et on peut considérer que le message de Trump s’adresse surtout à l’Iran qu’il n’apprécie guère, qu’à la Russie dont il devait se rapprocher.
Mais Bachar a peut-être commis une erreur. L’usage qu’il a fait des armes chimiques est venu retarder, voir empêcher le rapprochement que Moscou souhaitait avec Washington. Il s’est donc comporté comme un allié peu respectueux des intérêts de son mentor Vladimir Poutine. De même que ses alliés iraniens sont hostiles aux armes chimiques, puisqu’ils en ont été victimes lors de la guerre d’Irak dans les années 80.
Bachar a-t-il ruiné les efforts de Poutine en matière de diplomatie ?
Oui, tout à fait. Les bombardements de Trump vont conduire Poutine à soutenir encore Bachar alors qu’il aurait pu prendre ses distances après l’usage des armes chimiques.
Est-ce que tout cela ne fait finalement pas le jeu de Daech ?
Pas forcément. Les frappes contre Daech continuent et la reconquête de Mossoul se poursuit. De toute façon, le choix n’est pas entre Bachar et Daech. C’est ni Bachar, ni Daech parce que Bachar est le sergent recruteur de Daech. Ce sont deux adversaires qui ont des intérêts liés et qui sont utiles l’un à l’autre.
Trump à la tête des États-Unis, Poutine à celle de la Russie : deux hommes forts se font face…
Donald Trump n’est pas véritablement un homme fort. Il a moins de marge de manœuvre que Poutine car les Américains restent marqués par le syndrome irakien. Ils ne sont pas prêts à intervenir en Syrie. De son côté, Poutine garde la main sur la Syrie. Mais certainement que les Russes voudraient se débarrasser de ce fardeau qui commence à devenir pesant, et c’est pour cela qu’ils poussent à une solution diplomatique.
Recueilli par Benoît Rouzaud