17.12.2024
« Trump manque de convictions en matière de politique étrangère »
Presse
11 avril 2017
Rex Tillerson, le Secrétaire d’État américain aux affaires étrangères, se rend en visite officielle à Moscou. Quelle ligne va-t-il défendre : celle de l’isolationnisme, prônée par Trump pendant sa campagne ? Ou celle de l’interventionnisme, cinq jours après le bombardement opéré en Syrie ?
C’est ce que tout le monde se demande : quelle est la ligne des États-Unis en matière de défense. Et qu’y a-t-il dans la tête de Trump ? Et ce n’est pas forcément la même question. On constate que, depuis les frappes de vendredi, le Président américain ne s’est pas exprimé en matière de politique étrangère. Il laisse parler Rex Tillerson, son secrétaire d’État, et Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU.
Pendant la campagne présidentielle, Trump a été catégorique sur la nécessité de désengager son pays des affaires du monde, notamment du Moyen Orient. C’était la ligne isolationniste, incarnée par Steve Bannon dont il a fait son éphémère éphémère membre du Conseil à la sécurité nationale : l’Amérique d’abord. Depuis, il s’est passé un certain nombre de choses qui l’ont fait changer d’avis sur la place des Etats-Unis dans le monde et sur les rapports avec la Russie
Pourquoi ce revirement ?
Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il s’est entouré de généraux : le général McMaster a remplacé Flynn au poste de conseiller à la sécurité intérieure. Le général Mattis a été nommé secrétaire d’État à la défense. Son gendre Jared Kushner, devenu son Haut conseiller, est également plus interventionniste. Ils ont pris l’ascendant sur la ligne Bannon, du moins pour l’instant. Trump a aussi subi plusieurs revers en politique intérieure qui l’ont décrédibilisé : ses deux décrets sur l’immigration qui ont été rejetés, la loi pour abroger l’Obamacare qu’il n’a pas réussi à faire voter. Il a même divisé les Républicains au Congrès.
Quelles sont les relations de Trump avec la Russie?
Deux enquêtes ont en cours au FBI et au Sénat. Il a donné l’impression à son opinion d’être inféodé à Poutine. Cela lui déplaît. C’est un homme qui aime taper du poing sur la table pour affirmer son autorité. C’est sa façon de se différencier d’Obama qu’il considère comme un faible, un « président qui s’excuse », comme disaient les Républicains, un homme de compromis, ce qu’il ne veut pas être. Il est un peu dans la tentation autoritaire. Mais tout cela ne veut pas dire qu’il y ait une stratégie bien claire dans sa tête.
À quoi cette confusion peut-elle aboutir ?
Je ne pense pas qu’on va aller vers une logique d’intervention américaine unilatérale de long terme, telle qu’on l’a connue avec les néoconservateurs sous Bush, repartir faire la guerre seuls avec des troupes au sol, comme cela s’est passé en Irak. Ce serait impopulaire, très coûteux et dangereux pour le rapport de forces. On assiste plutôt à une stratégie à très court terme : faisons un coup de force et voyons comment les autres parties prenantes réagissent.
Quelle est la vision du monde de Donald Trump ?
On ne sait pas. Il donne souvent l’impression qu’avec lui, c’est le dernier qui parle qui a raison. Pour le moment, il écoute McMaster, Tillerson et Mattis. Mais qui dit que dans deux semaines, la ligne Bannon ne va pas revenir en force? Il manque profondément de convictions en matière de politique étrangère. Pendant la campagne, il assurait que la politique étrangère, c’était comme les affaires, il y avait une part de bluff. Il s’est rendu compte que la diplomatie et le business, ce n’était pas la même chose. Mais là où Trump a marqué des points, c’est que pendant 48 heures, il est apparu comme le chef du monde libre. Tous ses alliés ont salué sa décision de bombarder les positions syriennes. Il va s’en souvenir.
Recueilli par Marc MAHUZIER