21.11.2024
Les incohérences économiques des « trumperies »
Presse
16 mars 2017
Les mesures unilatérales et les liens avec les lobbies financiers, pétroliers et militaro-industriels peuvent satisfaire un électorat, ainsi que doper à court terme l’économie des Etats-Unis et dynamiser sa bourse (le Dow Jones est à plus de 20 000 points). Les règles qui apaisent les relations internationales, permettant la visibilité et la prévisibilité tout en réduisant les risques de crises systémiques, sont traitées comme des obstacles. Ces mesures ne sont ni applicables à l’échelle planétaire (émissions de gaz à effets de serre, financement de la dette, importance du marché intérieur, protectionnisme, rôle du dollar, etc.), ni cohérentes. Elles ne prennent pas en compte les représailles.
Le plan de relance annoncé est contradictoire
La baisse des impôts, ainsi que la hausse des dépenses militaires et d’infrastructures, vont accroître la dette fédérale, qui se rapproche des 20 000 milliards de dollars (soit plus de 100 % du PIB). Les capitaux extérieurs peuvent certes participer à des financements privés-publics. La tendance prévisible est toutefois celle de la hausse des taux d’intérêt et du poids croissant du secteur privé des résidents (investisseurs institutionnels, mutual funds, fonds de pension, assurance). Les détentions de la dette américaine sont de plus en plus volatiles avec motif de spéculation (différentiel de rendements), se faisant aux dépens des motifs de précaution (réserves de change). L’attractivité des capitaux extérieurs est également fonction d’un climat de confiance que les tweets et les humiliations peuvent limiter.
La discrimination raciste est opposée aux multinationales américaines
Celles-ci, multiculturelles, visent à utiliser les compétences mondiales. Elles sont au cœur du dynamisme de la Silicon Valley, des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazone) et de la nouvelle économie. Les discriminations et humiliations de certains pays conduisent à réduire leur marché pour les multinationales américaines (cf. l’Iran). Le rejet des étrangers ne peut que menacer à la fois les secteurs innovants, les multinationales dans des secteurs basiques (cf.la riposte de Starbucks disant embaucher 10 000 réfugiés), ainsi que les petits métiers générateurs d’activités de base, disposant d’une main-d’œuvre étrangère à bas coût.
L’unilatéralisme est une régression face au régionalisme et au multilatéralisme
Il repose sur une vision mercantiliste de l’économie en termes de guerres commerciales et de deal, où « nul ne gagne que l’autre ne perd ». Les mesures favorables au réchauffement climatique contribueront à donner le leadership technologique aux pays qui investissent dans les nouvelles énergies, à commencer par la Chine. Les effets de la protection supposent une analyse fine des chaînes de valeur régionales ou mondiales. L’accord de l’ALENA avait été signé pour freiner la pression migratoire venant du Mexique, en contrepartie d’investissements des firmes américaines dans les zones frontalières. Il a permis de réduire les prix des produits importés et d’accroître le marché américain. De plus, la remise en question des accords régionaux interdit toute prévisibilité pour les décideurs économiques.
La FED est prise dans un dilemme à propos du cours du dollar
Vouloir un dollar faible qui assure la compétitivité des entreprises localisées aux États-Unis est en contradiction avec l’attractivité des capitaux. La protection commerciale dans un quasi plein emploi (chômage de 4,7%) favorise une hausse des prix, des salaires, ainsi que des taux d’intérêt, et conduit donc à un dollar fort. Celui-ci peut de plus créer une crise de la dette des pays émergents et européens, qui l’emporterait sur les effets de compétitivité.
La dérégulation financière annoncée crée la menace d’une nouvelle crise systémique
Lors de la crise des subprimes et de la banqueroute de Lehman Brothers en 2007-2008, l’explosion de la dette publique avait permis de sauver le système financier. Le Dodd-Franck Act d’Obama s’accompagnait de la règle Volcker, qui limitait la spéculation des banques en se délestant des placements financiers spéculatifs.
Le monde des affaires, mesuré à l’aune du dollar, n’est pas un modèle de gestion d’un pays dans un monde complexe. Les « trumperies » sont des opportunités, notamment pour l’Europe, pour se ressaisir si la régulation de la mondialisation, génératrice de fractures sociales et territoriales, progresse mais également si les nationalismes étroits et les populismes ne l’emportent pas.