20.12.2024
Europe : s’unir ou périr
Presse
21 mars 2017
Ce mouvement «réactionnaire» – au sens littéral du terme – est entretenu par des responsables politiques en général, et des candidats à la présidentielle en particulier, incapables de conjuguer l’Europe au futur. Trop souvent enfermés dans un discours franco-français, ils semblent vivre en autarcie, dans un huis clos stato-national, hors du monde, loin de l’Europe. Pis, lorsque le sujet est abordé, le simplisme et la binarité tendent à l’emporter : pour ou contre l’Union européenne, l’euro, une défense et une diplomatie européenne, etc. Au-delà du clivage transpartisan entre souverainistes et pro-européens, nulle vision constructive, ni stratégie d’ensemble ne se dégage clairement en faveur d’une croyance dans un projet européen à redéfinir.
En France, la construction européenne se heurte au poids d’une histoire et d’une culture politiques centrées sur les modèles de l’État-nation, qui «fut à l’Europe moderne ce que la Cité fut à la Grèce antique: ce qui produit l’unité, et donc le cadre de sens, de la vie en produisant la chose commune» (Pierre Manent). Le mouvement de repli national-identitaire aujourd’hui à l’œuvre interroge jusqu’à notre part d’«européanité», sa raison d’être et son utilité. Les drapeaux européens ont déserté les réunions politiques ou électorales pour laisser prospérer les drapeaux tricolores, comme si les uns et les autres ne sauraient se marier.
La question de l’Europe se pose plus que jamais au moment où les nationalismes refont surface avec force, et que le partenariat stratégique avec les Etats-Unis est remis en cause par Donald Trump. N’est-ce pas là une opportunité historique pour reconstruire l’Europe sur des fondations plus équilibrées – en instillant une dimension sociale et régalienne plus affirmée – et en corrigeant les vices de forme de la monnaie unique au sein de la zone euro.
L’incapacité politique à produire du sens et à définir les ressorts d’un destin commun nourrit les mouvements de contestation vis-à-vis d’une chose européenne perçue comme une matière aussi floue qu’inconsistante, incapable de protéger et de décider, illisible et inaudible. Transpartisane, la vague mêlée d’europhobie et d’euroscepticisme ne concerne pas les seuls «partis extrémistes». En témoigne le retour en force de l’idée de frontière ou d’identité nationale chez nombre de sociaux-démocrates et de libéraux-conservateurs. Légitimes, les débats ouverts ne sauraient masquer les postures tactiques de certains et autres discours stériles, voire réactionnaires, qui jonchent des programmes pauvres en propositions alternatives et en perspectives constructives.
Si la crise européenne est aussi une crise politique nationale, la définition d’une identité commune demeure essentielle. L’Europe c’est aussi un idéal. Un espace en paix, stable, qui ouvre un champ des possibles pour les nouveaux damnés de la Terre. Or «Mare nostrum» qui incarnait un espace de libre circulation symbolise aujourd’hui une muraille voire un tombeau maritime. Les vagues continues de migrants économiques et de réfugiés politiques qui viennent se fracasser contre les frontières (extérieures ou intérieures) et autres murs érigés par les Européens ne peuvent que nous interpeller. Loin d’être purement conjoncturelle, cette crise migratoire se surajoute à la crise des dettes souveraines pour mieux dévoiler les contours d’une crise européenne de nature existentielle.