18.11.2024
Israël/ Palestine : les renoncements de François Hollande
Édito
20 mars 2017
En 1967, après la guerre des six jours, le général de Gaulle mit brutalement fin à l’alliance stratégique franco-israélienne, un des axes majeurs de la diplomatie de la IVe République. La France était le premier fournisseur d’équipements militaires d’Israël et l’avait aidé à obtenir l’arme nucléaire. Les deux pays s’étaient lancés de concert avec la Grande-Bretagne dans la catastrophique intervention de Suez de 1956. En mai 1967, avant le déclenchement de la guerre des six jours, de Gaulle déclare : « Si Israël est attaqué, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. ». Il prédisait une victoire militaire israélienne mais, du point de vue international, des « difficultés grandissantes ». Regrettant de ne pas avoir été entendu, il déclarait lors d’une conférence de presse en novembre 1967 : « Maintenant (Israël) organise sur des territoires qu’il a pris, l’occupation, qui ne peut aller sans agression, répression, expulsion et où s’y manifeste une résistance qu’à son tour, il qualifie de terroriste. »
De Gaulle avait opéré une rupture profonde de la politique française, contre l’avis de la majorité de la population française, à l’époque très pro-israélienne. Selon un sondage IFOP, réalisé les 5 et 6 juin 1967, 58% des Français éprouvaient de la sympathie pour Israël (contre 8% pour les pays arabes). Le président ne s’était bien sûr pas soucié des réactions du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) ou d’autres associations communautaires.
En mars 1982, François Mitterrand, considéré comme l’ami d’Israël – qui avait en 1967 condamné la rupture de l’alliance franco-israélienne – déclare devant la Knesset (parlement israélien) que les Palestiniens doivent aller au bout de leur droit « ce qui peut, le moment venu, signifier un État ». Le discours est prononcé avant la guerre du Liban de l’été, qui contribuera à dégrader l’image d’Israël en France. François Mitterrand sauvera ensuite Yasser Arafat encerclé à Beyrouth en 1982, allant à l’encontre de l’opinion française et, plus encore, du Parti socialiste globalement pro-israélien. En 1988, il reçoit Yasser Arafat à Paris, visite durant laquelle ce dernier déclarera la charte de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) caduque. Le CRIF allait fortement protester contre la venue de celui qu’il considérait comme un terroriste, ce à quoi Mitterrand répliqua faire la politique de la France et non celle d’une communauté.
Le Premier ministre, Jacques Chirac, devant se rendre au dîner du CRIF, reçut le discours qu’entendait prononcer le président de l’organisation. Or, celui-ci contenait des passages très critiques de la diplomatie française, concernant le conflit israélo-palestinien. Jacques Chirac protesta et menaça de ne pas s’y rendre. Le président du CRIF accepta de modifier ses propos afin de les rendre moins abrasifs.
En février 2017, François Hollande, quant à lui, se rendait au dîner du CRIF – où, depuis Sarkozy, le président prononce son discours au lieu du Premier ministre[1]. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, n’y avait pas été invité, « puni » d’avoir organisé la conférence pour la paix au Proche-Orient à Paris, le 15 janvier 2017, sans que cela ne suscite aucun émoi, à l’Elysée comme au gouvernement.
À la lecture du discours du président français, on réalise que pour plaire à son auditoire, il reprend les arguments de ses hôtes. François Hollande s’est, en effet, félicité que la France soit le « seul pays à avoir une législation interdisant l’appel au boycott » tout en assurant « la faire appliquer ». Il assume donc qu’un mouvement de protestation non violent, issu de la société civile, soit interdit en France et nulle part ailleurs. De plus, la poursuite de la colonisation – qu’il a brièvement critiquée – ne provoque/provoquera aucune réaction française. Il a ensuite précisé que « (…) la solution ne sera jamais imposée par la communauté internationale, jamais. C’est aux Israéliens et aux Palestiniens qu’il reviendra de s’entendre sur chacune des questions du statut final et notamment sur celle de Jérusalem. » Il reprend donc mot pour mot l’argumentation israélienne et laisse le gouvernement Netanyahou décider seul, sans la moindre menace de pression extérieure, d’accepter ou non la paix. Or, au vu de la composition dudit gouvernement, comment penser qu’en promettant de s’abstenir de toute pression, il puisse avancer vers la paix ?
Dans une lettre adressée aux parlementaires qui lui demandaient de procéder à la reconnaissance de la Palestine, il renouvelle cet abandon en écrivant : « La France restera prête à prendre ses responsabilités si la voie de la négociation et l’objectif de l’État devaient être abandonnés ». Mais ils le sont depuis longtemps !
François Hollande n’a donc pas tenu sa promesse électorale de 2012 de reconnaitre l’État de Palestine. On aurait pu penser que la voie de la négociation ayant été vainement poussée à son maximum, le président français, qui ne se portait pas candidat à sa réélection, respecterait sa promesse de se (re)mettre en phase avec la politique étrangère de la Ve République et s’exprimerait, au nom de la France, en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et du droit international.
François Hollande, non content de rompre ses engagements et ceux de la France, autrefois championne du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défie notre intelligence.
[1] Qui l’accompagne ainsi que la quasi-totalité des ministres.