21.11.2024
Donald Trump nourrit-il vraiment une obsession pour la Chine ?
Presse
11 janvier 2017
Quelles peuvent être les raisons d’une telle obsession?
La première d’entre elles est liée au poids économique croissant de ce pays, qui, en quelques années, est devenu le challenger des Etats-Unis, passant de la sixième position à la deuxième entre 2001 et 2014 dans le classement en termes de PIB, voire d’après le FMI à la position de première économie du monde en 2016, en parités de pouvoir d’achat certes…
La deuxième raison concerne l’importance stratégique et géostratégique de ce pays en Asie et dans le monde. Qui plus est, ayant un siège permanent au Conseil de sécurité donc un droit de véto, c’est un partenaire voire un adversaire clé de la nouvelle politique américaine. La focalisation n’est-elle pas un instrument d’une future négociation avec ce pays d’ailleurs?
La troisième raison est liée à l’influence croissante de ce pays en Asie. La création par la Chine d’une banque d’investissement dans les infrastructures qui faisait suite à la création de la banque pour le développement des BRICS a heurté les esprits aux Etats-Unis. Trump a critiqué également, à plusieurs reprises, le soutien, réel ou supposé, de la Chine au programme nucléaire nord-coréen, ainsi que les différends et conflits en mer de Chine.
La Chine serait ensuite accusée de pratiquer le dumping social et environnemental, le protectionnisme et la guerre des monnaies. Il est vrai que les Américains ont été particulièrement actifs au sein du protocole de Kyoto, en son temps, pour faire avancer la lutte contre le changement climatique, que le Buy American Act n’est pas du tout une loi protectionniste et que la politique non-orthodoxe de la réserve fédérale n’a absolument aucune volonté que d’affaiblir le dollar pour relancer les exportations américaines !
Par ailleurs, la politique étrangère de la Chine présente, qui plus est, l’étrange singularité d’être centré sur des intérêts économiques probablement plus que tout autre politique étrangère. Et même si les Occidentaux ne se sont jamais privés de défendre leurs intérêts dans ce domaine, ils ont toujours très mal vécu le fait que des pays «du Sud», comme on appelle «poliment» les pays en développement, en fassent autant…
Peut-être en creusant, pourrait-on trouver des raisons plus personnelles pour le nouveau président américain, liées à la montée en puissance des investissements chinois dans l’immobilier et en particulier à New-York. Un récent article de Forbes du 31 octobre 2016 les évaluait à plus de 93 milliards de dollars dans des projets résidentiels aux Etats-Unis entre 2010 et 2015 avec une accélération notable début 2016 (plus de 13 milliards entre janvier et août). Plus largement, les investissements chinois aux Etats-Unis s’amplifient. La Chine dégageant des excès d’épargne, les réinvestit partout dans la monde, y compris aux Etats-Unis (plus de 51 milliards de dollars en 2016 contre moins de 16 milliards en 2015 d’après l’édition de Forbes du 31 décembre dernier). L’investissement le plus symbolique pour les Américains fut probablement le rachat par Haier d’une activité de General Electric, GE étant la première entreprise américaine en termes de chiffre d’affaires. Or, l’investissement étranger est un sujet délicat, souvent perçu comme une atteinte possible à la souveraineté nationale. L’an passé déjà, 150 députés démocrates et républicains avaient envoyé un courrier à la Commission des Investissements étrangers du Trésor pour s’inquiéter des appétits chinois.
Pour autant, est-ce vraiment une obsession nouvelle? Certainement pas.
D’abord, la jeune nation américaine a toujours eu besoin de cimenter son nationalisme et, de ce point de vue, rien de tel qu’un ennemi clairement identifié et désigné comme tel. Depuis la chute du mur de Berlin, la Chine s’est vu attribuer ce privilège… C’est ainsi qu’à la suite d’un reportage qui s’est par la suite révélé «bidon», les députés américains ont inscrit, en 1998, les satellites sur la Military List empêchant toute entreprise américaine d’en exporter à la Chine (et pénalisant durablement l’industrie spatiale américaine!). Pour protéger l’industrie sidérurgique de la concurrence chinoise, George W. Bush instaura également, en 2001, des mesures protectionnistes. Le coût élevé de cette mesure sanctionna aussi les constructeurs automobiles américains. La limite à cet affrontement direct a toujours été les intérêts économiques croisés des deux pays du fait des interdépendances qui constituent autant de complémentarités entre ces deux économies.
L’obsession de Donald Trump peut aussi relever d’une tactique de politique intérieure où la confrontation avec le supposé «fauteur de trouble» peut masquer ou faire passer des décisions difficiles et contestables…
De fait, la seule différence dans la relation avec la Chine reposera probablement sur la méthode qui sera adoptée. Là où Barack Obama contournait l’obstacle dans une sorte de redéfinition de la stratégie de containement à l’encontre de la Chine avec la traité transpacifique (TPP) et même, plus indirectement, le traité transatlantique (TTIP), il est probable que la méthode «Trump» soit un peu plus radicale. C’est probablement les interdépendances entre les deux pays qui a poussé le président Obama à une certaine prudence, il sera intéressant dans ce contexte de voir jusqu’où pourra aller le président Trump dans son approche frontale…