27.11.2024
Attaque à Istanbul : « Ça devient compliqué pour Erdogan »
Presse
2 janvier 2017
Le PKK kurde a nié toute implication dans cet attentat. C’est donc Daech ?
Le mode opératoire tout comme la cible semblent en effet désigner Daech. Les séparatistes kurdes s’en prennent généralement aux policiers et aux militaires, même si leurs actions tueDidier Billion, directeur adjoint de l’Iris, spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient.nt aussi des civils. Attaquer une boîte de nuit rappelle évidemment les attaques du 13 Novembre à Paris. Daech frappe les imaginaires, aveuglément. Une boîte de nuit est à leurs yeux un endroit de perdition, symbole de la décadence occidentale. Et facteur aggravant : en terre d’islam.
Pourquoi l’organisation cible autant la Turquie, qui l’a pourtant longtemps ménagée ?
Dans son obsession de vouloir renverser Assad en Syrie, le pouvoir turc a fait preuve de complaisance avec les djihadistes. Mais il y a deux ans, le président Erdogan, constatant qu’il était de plus en plus isolé, a révisé sa stratégie, allant même jusqu’à accepter depuis cet été qu’Assad participe au processus de transition ! Ankara s’est alors mis à cibler Daech qui se venge depuis juillet 2015 en multipliant les attentats sur le sol turc. C’est d’autant plus facile pour les djihadistes que la Turquie, qui abrite 3 millions de réfugiés syriens, a 900 km de frontière commune avec la Syrie.
Cette volte-face sur la Syrie est-elle liée à la question kurde ?
Clairement. Erdogan s’inquiète de voir les Kurdes syriens alliés au PKK turc, marquer des points en Syrie. Pas question pour Ankara de laisser se former un territoire autonome kurde à cheval sur les deux pays. Entre eux, c’est une course contre la montre, qui va notamment se jouer dans la prochaine bataille de Raqqa, le fief syrien de Daech.
La Turquie est donc prise dans un étau…
Le pouvoir est aux prises avec trois ennemis, ce qui fait beaucoup : Daech, le PKK kurde et les partisans du prédicateur Fethullah Gülen (accusés d’avoir voulu renverser Erdogan le 15 juillet). Le pouvoir turc a beau se prétendre très fort et museler les médias, il est extrêmement fragilisé par ces trois fronts. D’autant plus que les purges spectaculaires dans l’administration, l’armée et la police qui ont suivi le putsch raté n’arrangent pas la situation. Tout comme l’économie qui se dégrade depuis quelques mois. Pour Erdogan, cela devient très compliqué. Et personne, surtout pas l’Europe, n’a intérêt à ce que la Turquie soit trop affaiblie.
Propos recueillis par Charles De Saint Sauveur