ANALYSES

Quel est le poids de la France dans la lutte contre Daech ?

Presse
2 janvier 2017
Interview de Didier Billion - La Croix
La marge de manœuvre de la France en Irak et surtout en Syrie est très limitée. Après les attentats de Paris, François Hollande a expliqué qu’il allait renforcer les bombardements aériens contre Daech à Rakka. C’est une erreur. La multiplication des frappes touche la population civile et aboutit, au final, à sa radicalisation. L’outil majeur contre Daech reste un travail de renseignement pour infiltrer les réseaux djihadistes.

Ceci posé, il est certain que la visite du président français à Bagdad est une bonne chose. Elle représente un soutien à des autorités irakiennes qui essaient d’inclure toutes les composantes du pays. Ce gouvernement fonctionne bien mieux que le précédent. Mais la société irakienne est fragmentée, affaiblie économiquement, victime quotidienne d’attentats. Le pouvoir irakien doit aussi composer avec les revendications des Kurdes d’Irak, même s’ils n’ont pas de velléité sécessionniste.

La tâche est autrement plus difficile avec Damas. Les autorités françaises ont longtemps expliqué que la solution ne pouvait passer que par un départ de Bachar Al Assad. Aujourd’hui, cette ligne s’est infléchie. La position du président syrien s’est considérablement affaiblie, mais il fait partie de la solution politique qui sera discutée à Astana, sous l’égide de la Russie. À ce stade, aucune puissance occidentale n’est conviée dans la capitale kazakhe. C’est la première fois depuis des décennies que les États-Unis sont absents d’un conflit au Moyen-Orient.

Depuis le début du conflit syrien, Moscou a une position claire. Ses analyses ont été confirmées par les faits. Dans ces conditions, la France n’est pas plus faible que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne. Elle essaie de marquer de son empreinte la situation régionale, en tentant d’être active sur le dossier antiterroriste. En Irak, elle a considéré que la solution contre Daech passait par un règlement politique, par un gouvernement plus inclusif, ce qui est maintenant le cas. En Syrie, la France a eu l’illusion qu’une solution strictement militaire était possible.

Ce qui importe maintenant, c’est que le signal fort d’une relance du processus politique soit envoyé à Astana. Un compromis permettrait alors d’organiser les combats au sol contre Daech. Ils seraient menés conjointement par les forces armées syriennes, les Kurdes, les rebelles modérés. L’opération pourrait débuter dans quelques mois. C’est la seule solution pour en finir avec cette organisation. Les Russes n’ont aucun intérêt à participer à ces combats au sol. Mais il faudra ensuite soigner les fractures de la société syrienne. Elles sont immenses. Astana ne pourra donner qu’un cadre théorique qu’il sera difficile de mettre en œuvre dans un pays ravagé.

Recueilli par Pierre Cochez
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