20.12.2024
La politique étrangère selon François Fillon
Presse
19 décembre 2016
Selon les occidentalistes, la France appartient avant tout à une famille : atlantiste hier, occidentale aujourd’hui. Si une menace se présente, elle doit faire bloc ; jadis, au nom de la lutte contre l’Union soviétique, aujourd’hui pour défendre un Occident menacé par une éventuelle menace russe et-ou chinoise ou islamiste. Les gaullo-mitterrandistes estiment en revanche que la France ne peut être résumée à sa seule famille atlantiste ou occidentale. Elle doit faire preuve d’autonomie pour faire avancer ses propres solutions et, en ce sens, ne pas se limiter à reprendre les arguments des États-Unis.
François Fillon appartient donc à la ligne gaullo-mitterrandiste de la diplomatie française. Sa priorité est l’indépendance de la politique étrangère française plus qu’une solidarité absolue, synonyme d’alignement avec les États-Unis. Il n’est pas tout à fait exact, comme le disent ses adversaires, qu’il soit aligné sur Vladimir Poutine. Certes, il ne pratique pas un Russian bashing comme on le fait à Washington ou dans les cercles de l’Otan. On disait déjà au début des années 1960 que de Gaulle faisait le jeu de l’Union soviétique, quand celui-ci jugeait utile d’établir des relations avec Moscou pour se donner des marges de manœuvre vis-à-vis de Washington. La France se disait alors alliée mais pas alignée avec les États-Unis. François Fillon avait, lui, exprimé ses réticences à propos du retour dans les organes militaires intégrés de l’Otan. La relation avec la Russie divise encore fortement politiques et experts de la diplomatie française.
Il y a peu, François Fillon m’avait accordé un entretien sur la politique étrangère française (1), où il affirmait notamment que la France demeurait une puissance majeure, mais avec un décalage grandissant entre son activisme international et sa fragilité nationale. Il trouvait par exemple étonnant que certains aient pu lui reprocher de considérer la Russie comme un « partenaire international à respecter ». « Le général de Gaulle discutait avec Staline, mais il serait de mauvais ton de discuter avec Vladimir Poutine ? », s’interrogeait-il. « La realpolitik est devenue un gros mot, comme si on avait oublié que les relations internationales étaient aussi dictées par l’intérêt national et soumises à des dialectiques profondes. » Il signifiait que l’on pouvait avoir des différences avec Moscou sur de nombreux sujets, mais qu’il était d’intérêt commun de travailler ensemble.
Sa position sur le conflit israélo-palestinien s’inscrit également dans une vision gaullo-mitterrandiste. Il me déclarait ainsi : « Peut-on totalement éteindre cette poudrière sans faire avancer la paix israélo-palestinienne ? Non ! Ce conflit demeure la mère de toutes les frustrations. » Il allait à l’encontre des plus ardents supporteurs d’Israël qui veulent minimiser l’importance de ce conflit.
Ses récentes positions à propos du terrorisme djihadiste détonnent un peu. Il reprend les éléments de langage des néoconservateurs, évoquant une « Troisième Guerre mondiale », et un défi terroriste qui serait de même nature que la menace nazie d’autrefois. On peut penser que, si le risque terroriste est indéniable, il n’est pour autant pas une menace existentielle pesant sur nos sociétés. Peut-être François Fillon l’a évoqué pour priver celui qu’il considérait comme son principal rival, Nicolas Sarkozy, d’un espace politique. Peut-être a-t-il voulu suivre les préoccupations de l’opinion et des médias. La différence est qu’il agite cette menace pour prôner un rapprochement, non avec Washington, mais avec Moscou. « Sur le plan politique, la priorité est de battre Daech, pas de démanteler le régime de Damas. » De surcroît, le prestige de la France à l’international est incompatible avec les dérives islamophobes de certains responsables politiques et intellectuels français. François Fillon n’aura d’autre choix que de s’en écarter s’il veut que la France soit respectée et populaire sur la scène internationale.