ANALYSES

Les Afriques, enjeux refoulés de l’élection en France

Presse
7 novembre 2016
L’Afrique – ou les Afriques – sont et seront apparemment absentes de la présidentielle de mai 2017. En réalité, les relations avec ce continent sont au cœur des grands enjeux du présent et du futur. Les positions des partis et des candidats actuels aux élections présidentielles diffèrent sur l’Afrique.

La realpolitik de la gauche au pouvoir a oscillé entre détermination militaire et réalisme ; elle a conduit à des compromissions vis-à-vis des droits de l’homme avec versatilité (Kabila en RDC) ou en raison de la priorité sécuritaire (Déby au Tchad). La rhétorique des candidats pour l’investiture des Républicains, diffère. Alain Juppé privilégie une diplomatie économique, culturelle et politique en soutenant les choix souverains des Africains. Nicolas Sarkozy propose un gigantesque plan Marshall, une conditionnalité de l’aide liée au contrôle de la migration, et tient un discours identitaire proche du Front national. Celui-ci assimile les « risques » de l’immigration avec les réfugiés et les échecs de l’intégration, tout en soutenant l’appui aux investissements privés français en échange d’une inversion des flux migratoires. Il joue sur la peur et réduit l’autre à une identité, religieuse ou ethnique.

Or, le devenir de l’Afrique est aussi celui du Vieux Continent. Les pays africains connaissent de profondes transformations. Leurs populations, qui représentaient la moitié de celles de l’Europe en 1960, sont deux fois plus importantes aujourd’hui et le seront quatre fois plus en 2050. La France est liée à l’Afrique, tant par une histoire commune que par les relations actuelles et futures, à commencer par la présence croisée de Français en Afrique et d’Africains en France, par les enjeux sécuritaires ou linguistiques.

En revanche, la France a perdu en quinze ans plus de la moitié de ses parts relatives de marché. À défaut d’une vision stratégique, la France et l’Europe sont concurrencées économiquement et géopolitiquement en Afrique par de nouvelles puissances. Mais elles doivent gérer les interdépendances environnementales, sécuritaires, migratoires et autres.

La politique africaine de la France devrait reposer sur le principe de subsidiarité avec l’Europe et de différenciation vis-à-vis des Afriques. L’Europe peut aider à reconstituer les fonctions régaliennes des États africains. Elle doit mettre en place une politique commune vis-à-vis des réfugiés. La lutte contre les trafics, la délinquance, le terrorisme djihadiste sont des enjeux communs aux Africains et aux Européens. Un groupe 5 (Europe du Sud) + 5 (pays du Grand Maghreb) + 5 (pays sahéliens) fait sens pour des enjeux communs migratoires, sécuritaires, énergétiques et autres.

L’intégration régionale africaine entre les zones « surpeuplées » et « sous-peuplées » est une réponse aux migrations Sud-Nord, mais l’immigration est aussi une opportunité économique pour des économies vieillissantes, à condition qu’elle soit accompagnée d’un pacte républicain. La bataille de la francophonie se gagne par l’appui à l’enseignement de base en Afrique, par la politique des visas et les traitements décents des Africains en France. Les PME françaises peuvent s’appuyer sur les diasporas pour favoriser la croissance verte, utiliser les nouvelles technologies et mobiliser une jeunesse africaine innovante, majoritaire sur le plan démographique mais minoritaire sur les plans politique, social et économique.

Les enquêtes réalisées en Afrique montrent un optimisme vis-à-vis du futur, à l’opposé du pessimisme de la vieille Europe. La crainte ou la haine de l’Autre expriment toujours la peur et le repli sur soi. Les Afriques font partie des perspectives de sortie de crises morales, démographiques et économiques du Vieux Continent. Élaborer des ponts qui relient, et non des murs et des forteresses qui éloignent, constitue un moyen de refonder le vouloir-vivre collectif français et européen.
Sur la même thématique