« La Russie et les Etats-Unis peuvent imposer la paix »
« La bataille d’Alep dévoile chaos absolu et barbarie. Les Russes ont décidé d’amplifier leur soutien à l’armée syrienne et au régime de Bachar al-Assad, et d’intensifier leur campagne de bombardements sur la deuxième ville du pays. L’horreur a franchi un nouveau cap, les Russes se livrant à une guerre totale qui n’en est pas moins politique. Le président Vladimir Poutine et son administration défendent un projet, certes, avec des méthodes condamnables. Les raisons de la rupture de la trêve sont largement partagées. Il faut donc refuser le manichéisme que l’on nous présente partout. Cette petite musique qui dure depuis plusieurs semaines est reprise en boucle dans nos médias : la paix est impossible. Nous n’avons pas d’autre choix… Bien évidemment qu’elle sera longue à mettre en place. Mais il faut arrêter de penser qu’aucune solution n’existe. Dans les relations internationales, tout peut être réglé. Le conflit syrien aussi. Mais la volonté des états peut être un solide frein à la paix. Les discours pessimistes des dirigeants européens et états-uniens à l’ONU l’illustrent. Ils répondent à leurs intérêts diplomatiques Les journalistes et les citoyens ne devraient pas être dupes de contentieux purement géopolitiques. Le Conseil de sécurité de l’ONU est incontournable pour sortir de cette crise. Les Russes ne bloqueront pas une initiative pour la paix. La trêve conclue entre Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et John Kerry, secrétaire d’État américain, le 10 septembre, démontre une volonté commune d’y parvenir. L’existence de clauses secrètes conclues entre les deux parties, à l’insu des autres membres du Conseil de sécurité, laissait planer le doute quant à la durabilité de l’accord. Vu les tensions sur ce dossier, cela me paraît compréhensible que certaines clauses ne soient pas rendues publiques. La Russie et les États-Unis, qui sont les deux acteurs majeurs sur le terrain, ont les moyens d’imposer un accord. Il me paraît judicieux que le cadre soit le Conseil de sécurité, et l’initiative de Jean-Marc Ayrault, pour une fois, va dans le bon sens (1). Si un accord est trouvé, ce sera sans les Européens, qui ont montré leur manque de volonté et un nombrilisme diplomatique. À la différence des présidents Obama et Poutine, qui font de la politique, la France et les Européens s’enferment dans des postures et des déclarations. Le président russe se sert de cette tragédie avec un certain cynisme pour défendre ses intérêts stratégiques et réintégrer son pays par la force dans le giron international, dont l’Occident a souhaité l’exclure durant les années 1990. Ce retour se fait sur le dos des Syriens. Barack Obama, qui a bien cerné les problèmes et applique une ligne politique, a sa marge de manœuvre réduite par la présidentielle. »