19.12.2024
« Un monde en voie de recomposition »
Presse
4 octobre 2016
Ils sont multiples, il y a tout d’abord la fin du monde bipolaire dont on ne s’est pas encore relevé. On le voit d’ailleurs avec ce qui se passe en Syrie aujourd’hui. Plus largement, c’est la fin du monopole occidental avec le phénomène de l’émergence. Une dizaine de pays sont venus politiquement, économiquement, stratégiquement remettre en cause ce monopole qui durait depuis cinq siècles. Il y a un monde bipolaire, qui a duré une cinquantaine d’années, qui a pris fin et un monde occidental qui prend fin sous nos yeux. Face à ces deux défis majeurs, on n’a pas encore su recréer une nouvelle forme de gouvernance mondiale.
Va-t-on vers un monde multipolaire ?
Le monde n’est pas encore multipolaire dans la mesure où il n’y a pas encore d’équivalent à la puissance américaine. Il n’est en rien bipolaire parce qu’on voit bien que les États-Unis n’arrivent pas à imposer leurs volontés au reste du monde, ni à la Chine, ni à l’Iran, ni à Bachard, ni à la Russie… On est dans un monde en voie de recomposition et en voie de multipolarisation.
Quel rôle les États-Unis peuvent-ils jouer ?
Le problème des États-Unis, c’est qu’ils n’ont pas réalisé qu’ils ne dominaient plus le monde. D’un côté Trump a compris que les Américains ne pouvaient plus imposer leurs volontés, en voulant s’isoler du reste du monde, ce qui est impossible. Clinton pense qu’elle peut encore dominer le monde. Les deux partent d’un constat irréel. L’importance stratégique des États-Unis est forte mais leur compréhension du monde extérieur est extrêmement limitée de part la faiblesse de leur système politique.
La Russie de Poutine est-elle tentée de récupérer cette place laissée vacante par les États-Unis ?
Non, elle n’en a pas les moyens ni la volonté. Poutine essaie de défendre ses intérêts mais il n’a pas l’idée d’une politique universelle comme les États-Unis en ont l’illusion. Poutine défend ses intérêts en Ukraine, en Syrie, il défend les intérêts nationaux russes de façon extrêmement brutale mais il n’a pas l’illusion qu’il pourrait étendre son influence au niveau mondial.
Quelle peut-être la place de la France dans cette mutation ?
C’est en grande partie elle qui va le décider. Il y a une attente de la France dans le monde entier. La France n’est pas une puissance moyenne contrairement à ce que disent certains même si elle est moins rayonnante qu’auparavant et que pour des raisons souvent de politique intérieure elle déploie peut-être moins une diplomatie triomphante.
Le terrorisme n’est-il pas un aspect visible de cette mutation ?
C’est vraiment un vrai débat. Il faut prendre en compte cette réalité qui existe, mais est-ce que c’est vraiment une menace existentielle ? Est-ce qu’on est vraiment dans une guerre mondiale comme le disent certains ? Je crois que non. Je pense qu’à exagérer la menace, on rend service aux terroristes qui veulent non pas prendre le pouvoir à Paris mais marquer les esprits dans la France entière.
Quelles sont les réponses ?
Il faut à la fois travailler d’un point de vue sécuritaire cette menace et la relativiser d’un point de vue politique. Il ne faut pas en faire l’alpha et l’oméga des défis qui se posent à la France.
Propos recueillis par Stéphane Guihéneuf