21.11.2024
Les attentats aux Etats-Unis vont-ils influencer la campagne présidentielle ?
Interview
21 septembre 2016
Je ne pense pas que la campagne de Trump manque de dynamisme, c’est plutôt le cas de celle de Clinton. Les attentats confortent le candidat républicain dans sa ligne. Celle-ci combine la remise en cause de la politique d’Obama au Moyen-Orient et présente la candidate démocrate comme étant dans cette continuité. Trump porte de graves allégations envers Hillary Clinton, qu’il accuse d’être à l’origine de la naissance de Daech. Le candidat républicain fait, en effet, le lien entre l’intervention américaine en Irak, soutenue par Clinton à l’époque, et l’émergence de l’organisation terroriste. Même s’il ne le dit pas clairement, ses critiques de l’intervention américaine en Irak pourraient également viser la politique des néoconservateurs de l’ère George W. Bush qui soutiennent aujourd’hui Clinton et appellent à voter contre lui.
Donald Trump s’inscrit ainsi dans une rhétorique dénonciatrice sans véritablement proposer de politiques de lutte contre le terrorisme. Peu de propositions émanent de ses discours, mis à part l’interdiction d’accès au territoire des musulmans du monde entier, surtout ceux venant de pays qu’il estime « complaisants » avec le terrorisme – dont la France. Il conserve ainsi sa diatribe qui consiste à opposer les musulmans au reste de la population.
Comment analysez-vous la réaction d’Hillary Clinton et du camp démocrate ? La campagne risque-t-elle d’infléchir à droite et de se radicaliser sur les thématiques sécuritaires ?
Hillary Clinton perd du terrain dans les sondages, pas forcément au profit de Trump, mais de Gary Johnson. Le candidat du Parti libertarien la malmène notamment en Floride, selon les sondages, un Etat stratégique pour l’ex-First Lady. Elle ne parvient pas à séduire la jeunesse.
Face aux attentats, Hillary Clinton a tout intérêt à continuer de jouer sur son expérience en matière de lutte contre le terrorisme et de politique étrangère. Depuis le début de la campagne, elle met régulièrement en avant son statut d’ex-secrétaire d’Etat, son rôle dans la lutte contre l’islamisme et, entre les lignes, sa participation au gouvernement qui a traqué et tué Ben Laden. Hillary Clinton défend, ce que certains lui reprochent, un interventionnisme militaire et une vision géopolitique qu’on peut qualifier d’agressive. Elle parvient, d’une part, à mettre en avant expérience, fermeté, professionnalisme et responsabilité potentiellement en tant que chef d’Etat, et donc chef des armées, elle attaque Trump, d’autre part, sur son amateurisme, ses idées fantaisistes, et donc sa dangerosité.
En conséquence, je ne crois pas qu’Hillary Clinton radicalisera son discours en prônant, par exemple, une intervention militaire au sol en Syrie. L’opinion américaine est encore traumatisée par les expériences irakienne et afghane qui ont coûté cher au pays, humainement et financièrement parlant. Elle n’a donc aucun intérêt à droitiser son discours et je pense qu’elle va essayer de conserver une posture professionnelle et responsable sur les questions de terrorisme.
Ces nouvelles attaques sur le sol américain sont-elles en mesure de modifier la politique étrangère de Barack Obama, deux mois et demi avant la fin de son mandat ? Pensez-vous que le président américain, par sa réaction aux attentats, peut influencer l’électorat et la campagne d’Hillary Clinton ?
Je ne pense pas que Barack Obama changera de stratégie en termes de politique étrangère au moment où l’accord avec la Russie sur la Syrie se fragilise. A un mois et demi de l’élection, je ne vois pas le président américain prendre des mesures qui risqueraient de mettre en danger Hillary Clinton et le camp démocrate en vue des élections.
Barack Obama risque, en revanche, de multiplier ses interventions médiatiques dans le cadre de la campagne, pour durcir le ton à l’encontre de Donald Trump et pour soutenir Hillary Clinton. A l’approche des élections, le président des Etats-Unis intensifiera ses discours de soutien envers la candidate démocrate, mettant en avant une femme politique professionnelle, crédible et réfléchie, face à un candidat irrationnel et changeant constamment d’idées. Il vient du reste d’appeler fermement les Afro-Américains à se déplacer le 8 novembre.