ANALYSES

Corée du Nord : Monsieur Kim, il est encore temps d’arrêter

Presse
13 septembre 2016
Interview de Olivier Guillard - Asialyst
Ces dernières semaines, à grands renforts de diatribes virulentes – prioritairement à l’endroit de Séoul et de Washington -, de menaces d’holocauste nucléaire pour le lendemain et d’essais balistiques de tous ordres, la bouillonnante République Populaire Démocratique de Corée s’est employée sans relâche à capter l’attention – et les critiques – du concert des nations ; avec un certain succès… Notons au passage qu’en huit mois cette année, 22 tirs de missiles balistiques ont déjà été réalisés, soit un total supérieur à celui comptabilisé lors des dix-sept années de règne du « Cher Dirigeant » Kim Jong-il (1994-2011), le père de l’actuel chef de l’Etat, Kim Jong-un.

Au regard de la fébrilité actuelle entourant le régime (cas multiples de défections de diplomates nord-coréens vers l’étranger ; exécution récente d’un ministre), il est permis de penser que les semaines et mois à venir ne remettront pas en cause cette trame douteuse, hautement condamnable.

En ce 9 septembre 2016, les autorités de l’Etat le plus isolé et sanctionné du globe exhortent leurs 25 millions d’administrés à célébrer – avec force motivation …- le 68e anniversaire de la fondation du régime, et à renouveler leur vœu d’allégeance au « Maréchal » Kim Jong-un, ce dirigeant trentenaire encore bien délicat à sonder, approchant déjà du terme de son premier quinquennat (décembre prochain). Un anniversaire auquel Pyongyang convint de donner une résonnance particulière, en ordonnant ce jour un nouveau test atomique (d’environ 10 kilotonnes, le plus important réalisé jusqu’alors en Corée du nord), le 5e de l’histoire nucléaire du pays.

Les célébrations avaient en réalité commencé fin août, avec un tir de missile depuis un sous-marin lanceur d’engin (réussi ; le premier du genre), avant de se poursuivre le 5 septembre – alors même que débutait en Chine une réunion du G20… – par une bordée de tirs de missiles Rodong en direction de la mer de l’Est. Un énième aventurisme politico-militaire très mal vécu en Asie orientale (Corée du sud, Japon, Chine) et au-delà (Etats-Unis), unanimement condamné (déclaration en ce sens du Conseil de sécurité de l’ONU le 6 septembre).

Ces dernières gesticulations dont on peine à percevoir le terme autant que la finalité donnent le plus naturellement du monde, à chaque nouvelle provocation et inflation d’outrages, matière à se pencher sur la gestion du « cas nord-coréen » adoptée ces dernières années par la Maison Bleue (la présidence sud-coréenne), la Maison Blanche et Pékin, l’ultime alliée stratégique de Pyongyang. Entre patience stratégique et fermeté, force est de reconnaître que depuis l’ultime séance de travail (en 2008) des « Pourparlers à six » (réunissant les émissaires des deux Corées, des Etats-Unis, de la Chine, du Japon et de la Russie sur le programme nucléaire nord-coréen), il n’est guère de bilan positif dont puisse se prévaloir la communauté internationale. Trois essais nucléaires (2009, 2013 et 2016), une kyrielle de tests balistiques (y compris intercontinentaux) et diverses épisodes de crise (cf. le torpillage d’une corvette sud-coréenne en mer Jaune en 2010) plus tard, Pyongyang n’a guère fait montre de la moindre velléité d’amendement. Au contraire, ce régime dictatorial et décrié poursuit ses efforts à marche forcée vers la consolidation et la diversification de ses programmes atomique et balistique, immune ou presque – comme de coutume – aux injonctions d’une communauté internationale privée de leviers décisifs à son endroit.

Cette situation n’interdit pas à la Corée du Nord de crier au loup – relayée promptement par le gouvernement chinois, Xi Jinping en tête – lorsque Séoul et Washington conçoivent le projet de se protéger, via le déploiement sur le territoire sud-coréen fin 2017 d’un système américain de missile antibalistique sophistiqué – le désormais fameux Terminal High Altitude Area Defense ou THAAD -, du péril présent et à venir et des inconséquences répétées irradiant au nord du 38e parallèle.

A l’heure où d’autres nations asiatiques hier encore parias internationaux redécouvrent avec profit les avantages de la mondialisation et de la respectabilité retrouvée (cf. Birmanie post-junte), on ne peut qu’inviter l’imprédictible régime nord-coréen à mesurer les conséquences de ses derniers errements, à réfléchir sur l’opportunité de poursuivre dans cette voie dangereuse, et à se montrer plus éclairé dans la définition de ses prochains rendez-vous avec le monde extérieur, avec Séoul en tout premier lieu. En dépit de ses certitudes du moment – et notamment de la quasi-impunité, quels que soient les écarts commis, qu’autorise sa proximité stratégique avec Pékin -, Pyongyang ne doit aucunement penser que le champ demeurera éternellement libre à ses desseins sujets à caution. Il n’est pas que la déraison et la menace à se nicher en ce crépuscule d’été 2016 dans son camps ; le choix d’initier une sortie de crise sérieuse, cadencée et mutuellement acceptable, s’y trouve aussi. Il pourrait un jour prochain en aller tout autrement.
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