14.11.2024
« Il faut en finir avec le mythe de l’apolitisme des Jeux Olympiques »
Presse
3 août 2016
Le déplacement du président de la République à Rio pour défendre la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 a-t-il vraiment une utilité ?
Il est difficile de savoir l’impact que va avoir cette visite auprès du Comité international olympique (CIO). Mais c’est un passage obligé pour le dirigeant d’un pays qui veut organiser les Jeux (1).
Pour désigner une ville olympique, le CIO regarde bien sûr le dossier de candidature, la qualité des infrastructures et du projet sportif. Mais il faut en finir avec le mythe de l’apolitisme de ce genre de désignation. Les critères sportifs ne sont pas les seuls à entrer en ligne de compte. Il y a une dimension politique et géopolitique dans l’attribution d’un grand événement international à tel ou tel pays.
Par exemple, la désignation de Rio pour les Jeux de 2016 n’est pas complètement étrangère au fait que jamais la compétition n’avait eu lieu en Amérique du Sud. Le fait que le Brésil fait partie des pays émergents (BRIC) a aussi certainement compté. Et le CIO est sensible au fait qu’un dossier de candidature soit porté au plus niveau de l’État. Pour les candidatures de Sotchi (hiver 2014) et de Rio (2016), les présidents Poutine et Lula s’étaient directement impliqués. François Hollande ne pouvait donc pas faire autrement que d’aller à Rio, sans compter qu’il est toujours valorisant pour l’image d’un responsable politique de s’engager pour organiser une grande compétition sportive ».
N’est-il pas paradoxal qu’autant de responsables politiques se battent pour organiser les Jeux alors que les populations concernées y sont en général assez défavorables, comme c’est le cas aujourd’hui à Rio ?
Depuis plusieurs années, on voit en effet de plus en plus de mouvements de contestation populaire contre l’organisation de ces grandes compétitions sportives. Cela est principalement lié aux dépenses très importantes engagées par certaines villes. Un certain nombre d’habitants de Rio ont le sentiment que les dépenses engagées pour ces JO, mais aussi pour la Coupe du monde de football 2014, auraient pu être utilisées pour l’éducation ou la santé.
Ce problème du coût n’est pas nouveau. Ainsi, les Jeux de Montréal en 1976 ont endetté la ville pendant 30 ans. Mais il y a aussi des exemples positifs de villes qui ont retiré un grand bénéfice de l’organisation de cette compétition. Le cas le plus emblématique est celui de Barcelone qui, grâce aux Jeux de 1992, s’est radicalement transformée pour devenir une ville très attractive pour les touristes. Même si les Jeux ont coûté cher (11 milliards), ils ont aussi eu un impact plutôt positif pour l’image très dynamique de Londres.
Pensez-vous qu’il soit possible d’enrayer la spirale inflationniste des dépenses engagées pour ces grandes compétitions ?
C’est en tout cas la volonté affichée par le CIO depuis les Jeux d’hiver de Sotchi (en 2014 en Russie) qui, selon des estimations officielles, ont coûté entre 38 et 45 milliards d’euros. Après cet événement, l’organisation olympique a publié l’agenda 2020 pour définir ses nouvelles priorités. Elle y exprime sa volonté d’en finir avec les dépenses pharaoniques qui suscitent un vent de fronde dans la population locale.
Le CIO ne veut plus d’infrastructures qui n’existeront que pendant la durée des Jeux. Désormais, les villes candidates ont pour consigne de bâtir des dossiers axés sur la durabilité des projets et l’héritage laissé aux habitants qui devront pouvoir utiliser tout ce qui aura été construit pour la compétition. On peut certes penser qu’il s’agit là d’un vœu pieu, mais le CIO est bien conscient que, pour survivre, l’olympisme doit rester populaire et susciter l’adhésion des populations qui accueillent les Jeux. »
Propos recueillis par Pierre Bienvault
(1) Les Premiers ministres hongrois Viktor Orban et italien Matteo Renzi et le secrétaire d’État américain John Kerry feront aussi le déplacement à Rio pour défendre la candidature de Budapest, Rome et Los Angeles