17.12.2024
Mer de Chine méridionale : Coup d’arrêt à l’expansion chinoise ?
Interview
13 juillet 2016
Se référant à la Loi de la Mer, ratifiée par Pékin, la Cour – allant au-delà des demandes de Manille- a déclaré illégitime les revendications territoriales autours des îles Spratleys. L’arrêt des juges de la Haye refuse la condition d’île, donc de base de souveraineté, à tous les rochers situés dans cette zone. Cela ne concerne donc pas que la Chine.
Ainsi, la décision de la Cour arbitrale redonne à tous les pays riverains de la Mer de Chine du Sud une zone économique exclusive conforme à la Loi de la Mer et le statut d’eaux internationales au centre de la zone. Si l’arrêt constitue donc une victoire pour les Philippines sur le plan international, c’est aussi par ricochet un succès pour les autres pays adjacents, le Vietnam en tête mais aussi la Malaisie, Brunei et l’Indonésie. Victoire mitigée cependant, car elle interdit également toutes revendications de souveraineté autour de ces îles.
Cet arrêt a également des conséquences sur le plan intérieur chinois. La population chinoise, qui ne sait pas que la revendication des îles Spratleys est relativement récente et est persuadée que la Mer du Chine du Sud appartient à la Chine depuis toujours, s’estime spoliée. Ce sentiment, dans la mesure où il réactive la logique des Traités Inégaux et l’humiliation de la Chine, constitue un défi de taille pour Xi Jinping qui va devoir le gérer.
Enfin, la position chinoise, qui compte bien ignorer le verdict de la Cour, pose de manière concomitante un risque de contagion et un risque d’exclusion de la Chine. En effet, le non-respect de la décision arbitrale va certainement contribuer à affaiblir l’autorité des arrêts de la Cour internationale de justice, qui fait d’ores et déjà l’objet de refus d’obtempérer de la part d’Israël. Plusieurs pays d’Amérique latine remettent également en question la légitimité de cette Cour. Pour autant, la sentence des juges de la Haye constitue bien une défaite juridique pour la Chine. On note aussi que Taïwan, qui n’a jamais été consulté alors qu’il est présent sur le plus grand îlot des Spratleys, déclare ne pas être engagé par cette décision.
En quoi ces territoires maritimes sont-ils stratégiques ? Risque-t-on d’assister à un bras de fer entre la stratégie chinoise du fait accompli et la politique de containment occidentale ?
La problématique des îles Spratleys concerne d’abord et avant tout les pays riverains de la Mer du Sud. L’intérêt stratégique de ces territoires est bien net dans la mesure où 40 % du trafic mondial de marchandise transite par la Mer de Chine méridionale. C’est une voie commerciale et maritime extrêmement importante que la Chine tente depuis plusieurs années de contrôler mais où le respect de la liberté de navigation est très sensible. Jusqu’alors, les ambitions d’expansion chinoise dans ces territoires ne connaissent pas de fondement historique ou juridique.
Les îles Spratleys sont également intéressantes sur le plan halieutique. Les ressources piscicoles dans cette zone attisent les convoitises. Pour autant, la présence de richesses en gaz ou en pétrole reste soumise au doute, sauf pour ce qui est des ressources prouvées de gaz au Sud qui appartiennent très largement au territoire maritime indonésien mais qui font également l’objet d’une volonté d’appropriation de la part de la Chine.
Pour des raisons politiques et stratégiques, les pays occidentaux vont être logiquement tentés de soutenir la démarche des pays riverains de la Mer de Chine du Sud dans la neutralisation du centre de cette Mer. Si les Etats-Unis sont très proactifs sur ce dossier, c’est essentiellement parce que les pays directement concernés par ce conflit de souveraineté sont devenus demandeurs de protection américaine.
Alors que la Chine envisage des mesures de représailles, peut-on dire que la décision de la Cour arbitrale remet en question « l’expansion pacifique » de la Chine ?
Cette décision aura exposé aux yeux du monde la façon dont la Chine considère les traités internationaux. Le Chine ne signe des traités que pour constater un état de fait dans le cadre d’un rapport de force. Elle n’a par exemple ratifié le droit de la mer que parce qu’à l’époque, elle n’avait guère les moyens de faire autrement. Mais dès lors que le rapport de force évolue en sa faveur, la Chine n’hésite pas à remettre en cause les traités internationaux ratifiés dans un moment de faiblesse.
Cette manière d’envisager les relations internationales va mettre en lumière un certain nombre de choses qui concernent directement les pays relativement fragiles où la Chine est très implantée. Ces pays, notamment situés en Afrique subsaharienne, vont se rendre compte de l’ampleur de la problématique posée par les engagements chinois qui n’offrent aucune garantie.