20.12.2024
Brexit : symbole d’une nouvelle ère européenne ?
Interview
27 juin 2016
C’est en effet un séisme qui a frappé de stupeur les dirigeants européens. Jusqu’ici, la Communauté économique européenne (CEE), puis l’Union européenne, s’étaient régulièrement élargies, passant de 6 à 28. C’est la première fois qu’un pays quitte l’Union. Les réactions des 27 pays membres de l’Union européenne au référendum sur le Brexit montrent que les dirigeants politiques préfèrent une situation inconfortable mais connue, à une situation inconnue. Les réticences du Royaume-Uni vis-à-vis à l’Union européenne existent de longue date, et celui-ci n’a d’ailleurs jamais joué de rôle moteur dans la construction européenne, bien au contraire.
Le résultat du référendum constitue certainement un choc, mais ce n’est pas pour autant une catastrophe pour l’Union européenne. Le Brexit va au contraire permettre de clarifier la situation. Le Royaume-Uni, qui était jusqu’alors, certes un partenaire important, mais surtout un membre réticent au projet de construction européenne, ne pourra plus jouer le rôle de frein intérieur. L’Europe et les dirigeants européens pourraient saisir cette opportunité pour engager l’UE sur une nouvelle voie. En effet, jusqu’à présent, les dirigeants européens se sont montrés insensibles aux récriminations populaires en les considérant avec dédain. Il y a pourtant une réelle fatigue des Européens vis-à-vis des politiques d’austérité et un sentiment de ne pas être suffisamment écoutés dont il faut tenir compte. Le Brexit est un avertissement pour les instances européennes, bien que nous n’ayons pas à craindre un effet domino.
Les regrets exprimés par des partisans du vote « Leave » quelques heures après la victoire du Brexit, ainsi que les immenses difficultés économiques qui s’annoncent pour le Royaume-Uni, montrent bien que le référendum britannique, loin de déclencher un effet d’entrainement qui amènerait les pays européens à s’engager à leur tour vers une sortie de l’Union européenne, va finalement servir d’arme de dissuasion. La sortie du Royaume-Uni va permettre de mettre en lumière par l’absurde, les avantages de l’appartenance à l’UE. Même si les hommes politiques britanniques tentent de jouer la montre, ils vont faire les frais de cette décision et paradoxalement donner la preuve de l’utilité de l’Union européenne pour ses pays membres. Si les dirigeants européens prennent les bonnes décisions, l’Union européenne pourrait finalement sortir renforcée du Brexit.
Quels sont les risques encourus par le Royaume-Uni ? Sa relation spéciale avec les Etats-Unis, voire son influence mondiale, sont-elles engagées par le Brexit ?
Le Brexit est une très mauvaise nouvelle pour le Royaume-Uni. Au-delà du coût économique intrinsèque à la sortie de l’Union européenne, c’est aussi la crédibilité du pays qui est en jeu. Il est tout à fait possible que l’Ecosse souhaite se séparer du Royaume-Uni pour pouvoir préserver sa place dans l’Union européenne. Si sécession il devait y avoir, ce serait une perte extrêmement importante pour la considération, son statut et son prestige qui va être considérablement diminué.
Par ailleurs, les Britanniques vont affaiblir leurs liens transatlantiques et perdre de la pertinence à l’égard des Etats-Unis. En effet, le Royaume-Uni est un partenaire stratégique pour les Etats-Unis à condition d’être influent et de relayer les volontés américaines en Europe. En s’engageant sur la voie de la sortie de l’Union européenne, le Royaume-Uni abandonne de facto ce rôle et sera considéré comme moins utile. Les Américains vont estimer que le Royaume-Uni n’est plus apte à servir leurs intérêts dans un continent moins stratégique qu’auparavant à leurs yeux. Finalement, le Brexit va alimenter un éloignement entre Londres et Washington.
Sommes-nous dans une nouvelle ère européenne ? Faut-il compter sur Paris et Berlin pour relancer le projet européen ?
Nous sommes effectivement dans une nouvelle ère européenne puisque c’est la première fois qu’un pays décide de quitter l’UE. On voit d’ailleurs les immenses inconvénients qu’il y a à confondre politique internationale et mesures intérieures comme l’a fait David Cameron en se permettant de jouer avec le feu dans son propre pays. Le Premier ministre britannique ne s’est pas montré digne de ses responsabilités en ne voulant pas tirer personnellement les conséquences politiques de son initiative référendaire et en laissant à son successeur le soin de couper les ponts avec l’Union européenne. Il laissera ainsi une image peu glorieuse dans l’histoire de son pays, qu’il aura largement contribué à affaiblir.
Désormais, il faut que l’Union européenne montre qu’elle est capable d’apporter des réponses aux problématiques du continent, sans toutefois engager un nouvel approfondissement qui serait rejeté par les populations européennes. Le départ du Royaume-Uni va renforcer l’axe Paris-Rome qui, avec l’aide des sociaux-démocrates allemands, pourraient faire pression sur Madame Merkel afin qu’elle réajuste son soutien aux politiques d’austérités et qu’elle se montre plus ouverte aux négociations.
Il faut également être très ferme avec Londres lors des arrangements juridiques accompagnant le Brexit afin de montrer qu’il y a un coût à payer à sortir de l’Union européenne et non une récompense.