ANALYSES

Faut-il avoir peur de Kim Jong-un ?

Presse
8 mai 2016
Interview de Pascal Boniface - Le JDD
Le septième congrès du Parti des travailleurs nord-coréen qui vient de s’ouvrir est une immense consécration pour son leader Kim Jong-un. Mais ce triomphe national s’accompagne d’une inquiétude au niveau mondial : cet erratique leader d’un pays ermite, ruiné mais doté de l’arme nucléaire ne risque-t-il pas de provoquer une catastrophe stratégique en faisant usage de son arsenal?

Kim Jong-un est au pouvoir depuis 2011. Il a succédé à son père, lui-même ayant pris la suite de son géniteur, Kim Il-sung, créateur du régime à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Exemple unique de communisme héréditaire. Parce que le nouveau leader a été éduqué en Suisse, on espérait ait une attitude plus ouverte que ses prédécesseurs. Il n’en est rien, il a fait exécuter cent hauts responsables du Parti et des généraux, parmi lesquels son oncle, qui l’avait aidé à accéder au pouvoir. Il a procédé à deux essais nucléaires et placé deux satellites en orbite pour montrer que la Corée était dotée de missiles intercontinentaux.

Premier congrès depuis 36 ans

Il n’y avait pas eu de congrès depuis 1980. À l’époque, après avoir été, entre 1950 et 1953, le terrain du conflit le plus meurtrier de la guerre froide, la Corée du Nord et la Corée du Sud étaient sur un relatif pied d’égalité. Depuis, l’écart s’est creusé de façon abyssale. La Corée du Sud s’est démocratisée et formidablement développée pour devenir le 14e PIB mondial. La Corée du Nord, aujourd’hui seul régime totalitaire à la surface de la planète sans aucun espace de liberté privée ou publique, reste profondément sous-développée au point d’avoir du mal à nourrir sa population. Contrairement à ce qu’affirme la propagande du régime, il n’y a pas à la fois développement économique et renforcement militaire.

C’est l’écart entre le désastre économique et la puissance militaire qui fait peur au monde entier. Kim Jong-un multiplie les provocations et menace régulièrement le cousin sud-coréen et le voisin japonais. À un tel point que même le seul allié de Pyongyang, la Chine, a fini par se lasser et par voter en faveur de sanctions décidées par l’ONU après le dernier essai nucléaire.

Au-delà des gesticulations nord-coréennes, il est peu probable que Kim Jong-un mette ses déclarations martiales à exécution. Bien sûr, s’il se lançait dans un conflit, il pourrait faire subir à la Corée du Sud (Séoul n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres de la frontière) et au Japon, accessible aux missiles nord-coréens, des dommages terribles, mais il serait immédiatement vaincu. La Corée du Nord n’aurait pas les moyens de résister très longtemps à ces deux pays par ailleurs liés militairement aux États-Unis. La Chine ne viendrait pas à leur secours, ce serait donc la fin du régime nord-coréen.

Or, si, au détriment du développement économique et de la satisfaction des besoins de la population, le régime a construit un arsenal nucléaire, c’est justement pour se sanctuariser : les dirigeants nord-coréens estiment que si Saddam Hussein ou Kadhafi avaient eu des armes nucléaires, ils seraient encore au pouvoir.
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