ANALYSES

Comment Kim Jong-un prépare le congrès sans précédent du parti unique nord-coréen

Presse
6 mai 2016
A partir de vendredi a lieu à Pyongyang un grand Congrès du parti unique nord-coréen, une première depuis 1980 et l’accession au pouvoir de Kim Jong-Il, le père de Kim Jong-Un. A quoi peut bien servir un tel congrès exceptionnel ? Re-légitimer le pouvoir en place ? Envoyer un message à la communauté internationale ?
Ce congrès du Parti des Travailleurs, le parti unique au pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, est un évènement rare pour le régime nord-coréen. Le dernier a effectivement été tenu en 1980, soit avant la naissance du dirigeant actuel, Kim Jong-un (qui serait né en 1984), mais également avant la fin de la Guerre froide, et l’isolement de Pyongyang sur la scène internationale.
Il n’y a jamais eu d’évènement de ce type sous le règne de Kim Jong-il, ni depuis que ce pays s’est lancé dans un programme nucléaire militaire – qui a abouti à quatre essais consécutifs (2006, 2009, 2013, 2016) et a été l’objet de très sévères sanctions internationales. En clair, la Corée du Nord de 2016 n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1980, si ce n’est le régime qui reste solidement en place.
Ce congrès est important pour Kim Jong-un, arrivé au pouvoir après la mort de son père fin 2011, pour réaffirmer son leadership et conforter ainsi sa position, sans doute fragile les premières années, à la tête du pays. C’est également l’occasion pour lui de répéter le discours qui était déjà celui de son père, à savoir que le pays est engagé dans un développement économique rapide, en dépit d’un contexte international difficile. La propagande ne cesse depuis les années 2000 d’insister sur les progrès économiques, imaginaires, de ce pays pour mieux asseoir sa légitimité. Kim Jong-un reviendra sur ces avancées économiques, louant l’œuvre de son père, et s’inscrivant ainsi dans la continuité de son action. Un bon moyen d’asseoir sa légitimité.
Il s’agit aussi d’un message envoyé à la communauté internationale, dont l’objectif est de signifier la solidité du régime. Rappelons que de nouvelles sanctions ont été adoptées consécutivement aux derniers essais nucléaires et balistiques, à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU (la Chine et la Russie notamment). Plus isolé que jamais, acculé même, le régime nord-coréen montre par cette grande célébration historique qu’il n’entend pas plier. En Corée du Sud, certains prédisent que ce 7ème Congrès du parti des travailleurs pourrait être marqué par l’annonce d’un cinquième essai nucléaire, pour insister sur les capacités techniques dont dispose Pyongyang. Un tel scénario n’est pas à exclure.

Des mesures de sécurité exceptionnelles semblent avoir été mises en place autour de cet évènement. Alors que l’opposition est inexistante en Corée du Nord, doit-on voir dans ces mesures une forme de psychose du régime ?
A l’occasion des grandes célébrations du régime, la sécurité est systématiquement renforcée, même si cela semble en effet peu justifié, compte-tenu de l’absence d’opposition. Cela dit, c’est un moyen pour le parti de renforcer sa légitimité et d’unir la population en faisant référence à un risque sécuritaire de grande ampleur.
Pour que le régime nord-coréen puisse survivre, il doit constamment alimenter un climat de peur et d’un risque d’invasion étrangère. Souvenons-nous aussi des écrits de Hannah Arendt, qui plaçait la paranoïa parmi les caractéristiques des régimes totalitaires. La Corée du Nord est l’un des derniers régimes totalitaires, et entretient savamment la paranoïa pour mieux surprendre la population autant que la communauté internationale, en particulier à l’occasion de grands évènements. En ce sens, ce congrès ne fait pas exception.

Interdiction des mariages et des enterrements, interdiction d’entrer et sortir de Pyongyang, agents de sécurité embusqués dans des buissons ou sous des plaques d’égout, patrouilles citoyennes… De telles mesures sont-elles habituelles dans la Corée du Nord de Kim Jong-un ? Quels autres types de « précautions » pourrait-on imaginer ?
Bien évidemment, tout ce qui est suspecté d’actions subversives ou anti-patriotiques. Ce type d’évènement est surtout l’occasion de multiplier les purges et d’éliminer les éléments dérangeants, au nom de la sécurité et de la nécessité de rester soudés derrière le dirigeant. Gageons que Kim Jong-un cherche à profiter de l’occasion pour se débarrasser un peu plus de la vieille garde dans l’armée, cette dernière étant associée au pouvoir politique et à l’activité économique du pays. Il s’agit aussi de terroriser la population. Dans les régimes totalitaires, le Gouvernement a le monopole de la terreur, et cette dernière lui permet évidemment d’éviter toute forme de contestation. En interdisant des activités qui semblent anodines, le régime rappelle ainsi à la population qui est maître à bord.
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