17.12.2024
COP 21 : le plus dur reste à faire
Interview
20 avril 2016
L’accord de Paris a été adopté lors de la COP21 et il est désormais ouvert à la signature à partir du 22 avril dans le cadre de cette conférence. 146 Etats se sont prononcés favorablement quant à la signature de l’accord, ce qui constitue un record jusqu’alors détenu par la Convention de Montego Bay (signé en 1982 par 119 pays). C’est le signe, positif, d’une véritable mobilisation internationale puisque les trois quarts des présents à la COP21, soit 146 pays dont 55 seront représentés par leur chef d’Etats ou de gouvernement, ont annoncé leur participation à la Conférence de New-York.
L’enjeu principal concernant l’accord est cependant bien la ratification, qui lui permettra d’entrer en vigueur à partir de 2020. Dès lors que la Chine et les Etats-Unis, qui représentent ensemble entre 35% et 40% des émissions mondiales, décident de le ratifier, beaucoup d’autres signataires suivront, rassurés par l’investissement des deux principaux émetteurs dans le processus. Cela pourrait donc aller assez vite. Une interrogation demeure sur la capacité de l’Union européenne (3e émetteur) à ratifier l’accord dans des délais brefs. Cette action nécessitant au préalable la ratification des 28 Etats membres (dont les modalités de ratification sont différentes), la Chine et le Etats-Unis pourraient s’acquitter de cette tâche avant l’UE, fait impensable il y a encore quelques années, et preuve que le contexte a changé.
Surproduction charbonnière, chute des cours du pétrole, révolution solaire en Inde, investissement chinois massifs dans le nucléaire et avancée dans la fusion nucléaire… le marché de l’énergie semble évoluer rapidement. Quelles sont les tendances, les opportunités et les risques qui caractérisent cette évolution ?
On peut d’ores et déjà souligner le remarquable rebond des investissements dans les énergies renouvelables qui, malgré une baisse en 2012, n’ont cessé de repartir à la hausse depuis 2013 pour atteindre 286 milliards de dollars en 2015 selon le PNUE. La Chine est l’un des moteurs de cette dynamique puisqu’elle est le premier investisseur en matière de solaire et d’éolien, et représente un tiers des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables (102 milliards). Les pays émergents et en développement (156 milliards) sont d’ailleurs pour la première fois passés devant les pays développés (130). C’est une véritable transformation.
Les inquiétudes vont cependant porter sur l’impact à long terme des prix bas du pétrole. Jusqu’à aujourd’hui, les investissements dans les énergies renouvelables ne baissent pas. La baisse concernait seulement en 2015 les investissements dans l’amont pétrolier : moins 34% pour les indépendants, 15% pour les majors et 11% pour les compagnies nationales selon l’IFPEN. En effet, la chute des cours rend certes le pétrole moins cher pour les acheteurs mais aussi moins rentable pour les investisseurs. Pour autant, un pétrole qui s’établit durablement autour de 40 dollars n’est pas une bonne nouvelle pour les partisans de son abandon complet à long terme, objectif encore utopique à mon sens. Je pense toutefois que cette anomalie économique, résultat d’une stratégie de défense des parts de marché menée par l’OPEP et l’Arabie Saoudite, ne devrait pas durer éternellement. Vraisemblablement, le cours du pétrole devrait remonter à moyen terme, du fait des trop nombreuses implications en matière de stabilité et de sécurité pour nombre de pays. Même l’Arabie Saoudite, selon le FMI, ne pourrait faire face à un cours aussi bas sans épuiser ses réserves financières d’ici 4 à 5 ans.
Pour ce qui est de l’énergie nucléaire, elle se développe particulièrement sur le continent asiatique qui regroupe les trois-quarts des réacteurs en construction, de la Corée du Sud à la Chine en passant par l’Inde et la Russie, sachant que le Japon n’a pas totalement abandonné cette énergie malgré la catastrophe de Fukushima.
Toutefois, il faut rappeler qu’il n’y a pas de solution miracle sur le plan énergétique. Chaque pays constitue son mix en fonction de ses ressources, des avantages dont il dispose, des compétences historiques de ses industries, etc. Ce n’est pas au niveau mondial que l’on pourra imposer un unique mix énergétique adapté à tous les Etats. L’idée est que, progressivement, les énergies renouvelables passent du statut de complément à celui de principal fournisseur, notamment d’électricité. C’est la dynamique actuelle mais je reste assez sceptique quant à un avenir proche 100 % renouvelable.
Les données disponibles sur le réchauffement climatique créent bien souvent la confusion, tant concernant la fonte des glaces, le niveau de la montée des mers – 1 mètre pour le GIEC, 2m pour d’autres scientifiques d’ici à 2100 – ou l’activité solaire. Comment interpréter ces divergences de pronostic ? Ne brouillent-elles pas la prise de conscience nécessaire des citoyens face à ces enjeux ?
Le débat sur l’ampleur de la hausse du niveau des mers est en effet relancé après la parution d’une étude menée par Roberto De Conto et David Pollard, publiée il y a quelque semaines dans la revue Nature, qui analysait la contribution de l’Antarctique à ce phénomène, et qui doublait, dans ses perspectives pessimistes, les estimations du GIEC en la matière. Une autre étude menée par James E. Hansen, ancien directeur du principal laboratoire de science climatique à la NASA, évoquait une hausse de 5 mètres à horizon 2100.
Je ne sais pas dans quelle mesure ces nouveaux éléments brouillent le regard des citoyens mais il est évident que deux camps s’affrontent. D’un côté, des gens affirment que les scientifiques sont formatés pour crier « au loup » afin de pérenniser leur budget de recherche. Au contraire, d’autres postulent que de par leur métier, les scientifiques ont un réflexe professionnel qui les enjoint plutôt à sous-estimer les impacts des phénomènes sur lesquels ils travaillent pour ne pas être qualifiés de catastrophistes voire de déséquilibrés.
De plus, la gestion des incertitudes est un paramètre extrêmement important dans la communication sur les prévisions climatiques. Paradoxalement, plus la science climatique se développe et progresse, plus le niveau d’incertitude est susceptible d’augmenter du fait de la complexité des phénomènes climatiques. L’approfondissement des connaissances en matière climatique ne va donc pas de pair avec une diminution des incertitudes. Le GIEC n’a pas toujours bien géré cet état de fait, ce qui a contribué à renforcer certains de ses détracteurs.
Pour autant, si cela peut entretenir une confusion, voire donner du grain à moudre aux climato-sceptiques, je ne suis pas certain que ces débats soient énormément suivis.
Des ambitions personnelles et étatiques s’entremêlent aujourd’hui pour la présidence de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Quels enjeux recouvrent la nomination du président de la CCNUCC ? La France est-elle légitime pour briguer la tête de cette institution ou doit-on s’attendre à un renouveau de l’institution en faveur de l’Afrique ou de l’Asie ?
La France est totalement légitime du point de vue des compétences. Le travail et l’implication dans les négociations de Laurence Tubiana ont été unanimement salués lors de la COP21, comme ceux de Laurent Fabius. Ils comptent parmi les artisans du succès de l’accord de Paris. La France est donc légitime de ce point de vue-là. Sans vouloir défendre les excuses mobilisées par l’Elysée au moment du couac sur la candidature de Laurence Tubiana, d’abord écartée puis soutenue par Ségolène Royal, le fait que nous ayons déjà une Française au poste de Secrétaire général de la Convention des Nations unies sur la désertification (Monique Barbut) et un haut fonctionnaire français, Hervé Ladsous, chef du département des opérations de maintien de la paix, peuvent jouer en notre défaveur.
Les revendications africaines sont elles aussi très légitimes. L’Union européenne a assuré les fonctions de Secrétaire général de la CCNUCC pendant 20 ans et c’est une représentante de l’Amérique latine, la costaricaine Christiana Figueres, qui occupe le poste depuis 6 ans. De plus, le principe informel de représentativité géographique est au centre des nominations dans les instances internationales. Il serait donc logique, une fois de plus, que le continent africain, par ailleurs particulièrement touché par les phénomènes climatiques, soit désigné. C’est en tous cas l’argument recevable mobilisé par Ahmed Djoghlaf, ancien co-chair de la COP21 et candidat déclaré.
Aussi intéressant qu’il soit d’avoir une personne à la tête d’une instance internationale, reconnaitre la légitimité des autres candidatures ne revient pas à se désengager d’un dossier, d’autant plus que la France assure encore la présidence de la COP21 jusqu’au début de la COP22. Nous aurons la réponse cet été.