04.11.2024
Panama Papers : un tournant stratégique ?
Édito
6 avril 2016
Avec les Panama Papers, nous sommes en plein dedans : lutte contre la fraude fiscale, bien sûr, mais aussi lutte contre la corruption. On assiste à un mouvement global qui est finalement l’autre face de la mondialisation. Bien sûr les moyens de fraude existent et sont nombreux, mais les moyens de la découvrir le sont de plus en plus également. Il y a, avec cette multiplication de révélations, un effet dissuasif qui se met en place et les fraudeurs sont désormais dans l’incertitude : ils peuvent toujours être pris ; l’étau se resserre sur eux. C’est une bonne chose car tous les États manquent d’argent, les besoins sociaux sont immenses et faire payer les fraudeurs peut aider à rétablir la balance. Ce genre d’affaires est donc aussi un message d’espoir pour l’avenir : il est certes toujours possible de frauder mais il n’y a plus de garanties d’impunité.
Le scandale des Panama Papers a également des conséquences stratégiques.
De façon logique et surtout prévisible, et en dépit de ses premiers espoirs, le Premier ministre islandais a été contraint à la démission, emporté par la vague de colère citoyenne. L’Islande est un pays qui a beaucoup souffert des excès bancaires et ne pouvait pas supporter cet état de fait. Mais d’autres pays vont également être concernés.
Le couple Ukraine/Russie est à ce titre observé. Est-ce que Vladimir Poutine va subir l’opprobre de l’opinion russe, certains membres de son entourage proche étant cités ? Ce n’est pas certain car le président russe risque de jouer habilement en invoquant un complot américain, du fait que les États-Unis ne sont pas cités, contrairement à la Russie expressément visée, etc. Bien sûr, cela ne marchera pas pour tout le monde mais ce n’est pas Vladimir Poutine qui en souffrira le plus. Les dégâts paraissent en revanche beaucoup plus importants pour l’Ukraine et son président, Petro Porochenko, au moment où nombreux sont ceux qui commencent à se poser des questions sur la gestion de la crise dans le pays. Tous ceux qui soutenaient l’Ukraine voient bien aujourd’hui que la société civile a été prise en otage par des dirigeants incapables et corrompus, et que la corruption est un phénomène de très grande ampleur en Ukraine. Les pays occidentaux qui sont toujours prêts à soutenir le président ukrainien, peuvent peut-être se poser des questions. Les dégâts pour Petro Porochenko devraient donc s’avérer plus lourds.
Ces Panama Papers mettent également en avant le rôle essentiel des lanceurs d’alerte. Il faut non seulement les féliciter mais surtout les protéger et les récompenser. On pense bien sûr à Julian Assange et Edward Snowden, mais également à Bradley Manning, ce militaire américain qui a été condamné à 35 ans de prison pour avoir été la source de Wikileaks ; je pense également à Denis Robert qui a eu à subir les foudres pour avoir mis à jour l’affaire Clearstream sur laquelle il a fait un travail formidable.
Ces révélations dites des Panama Papers peuvent en appeler d’autres. On se dirige vraisemblablement vers une plus grande transparence, ce qui est une excellente chose. La lutte contre les paradis fiscaux, qui pratiquent encore l’absence de transparence et ne se conforment pas aux règles internationales, n’est pas si compliquée : il suffit de le vouloir. On voit bien d’ailleurs que la France, qui avait retiré le Panama de la liste des États non coopératifs, l’y a remis. Il devrait désormais être plus difficile pour ces États de se protéger de l’opprobre.
Une fois encore, il est nécessaire de rappeler que tout cela vient d’un puissant mouvement d’opinion qui, bien sûr, n’est pas de la même nature dans tous les pays mais est véritablement un mouvement global. A une époque où l’on demande de la rigueur, les populations ne peuvent plus supporter la corruption, la triche et la fraude.