27.11.2024
La Géopolitique de l’eau en Méditerranée
Presse
25 mars 2016
Les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) se trouvent dans une situation de stress hydrique, certaines populations de la rive sud subissant une véritable pénurie d’eau. Selon le Plan Bleu, les pressions sur les ressources en eau s’accroîtront encore de façon sensible au Sud et à l’Est et 80 millions de Méditerranéens seront en situation de « pénurie » à l’horizon 2025. Du fait de la croissance de la demande en eau agricole et urbaine et de la rareté des ressources, un pays méditerranéen sur trois prélèvera plus de 50 % du volume annuel de ses ressources naturelles renouvelables.
Plus que jamais, l’eau est perçue par les puissances étatiques comme un enjeu de développement socioéconomique- notamment pour le secteur agricole– mais aussi de sécurité nationale. Certes, non seulement il y a eu très peu de guerres ayant pour cause directe l’eau, mais les conflits et différends interétatiques ou infranationaux n’ont pas l’eau pour cause unique. Il n’empêche, l’« hydro-conflictualité » (litiges liés à la répartition du débit de fleuves et de rivières ou à l’exploitation de ressources hydrauliques) est une hypothèse à prendre au sérieux. L’accès à l’eau fut déjà au cœur de la guerre (israélo-arabe) des Six Jours de juin 1967. Aujourd’hui encore, le Moyen-Orient est un lieu où la rareté de l’eau en fait mécaniquement un enjeu stratégique : le fleuve Litani oppose le Liban et Israël, tandis que le Jourdain met aux prises la Jordanie, la Syrie, Israël et les territoires palestiniens de Cisjordanie. Dans le conflit israélo-palestinien, la politique de colonisation israélienne intègre largement la problématique de la répartition équitable de l’accès à l’eau. Pour les Palestiniens, la problématique du partage de l’eau se pose de manière différente en Cisjordanie et à Gaza.
Malgré la conclusion de quelques accords, les vides juridiques, le déficit de volontarisme politique, mais aussi le traitement de l’eau comme simple bien ou marchandise montrent combien l’« or bleu » est une source potentielle de conflictualité inter-méditerranéenne. La faiblesse du droit international concernant les fleuves internationaux n’aide pas à l’apaisement des tensions. La Convention onusienne sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation (1997) pose néanmoins quelques principes d’équité en la matière. Le vide juridique, la violation des accords de gestions transfrontalières de l’eau et les aménagements sur des fleuves devenus internationaux conçus sans concertation avec les pays voisins, tout cela conduit à la multiplication de différends internationaux (Pierre Blanc). En matière hydraulique, les doctrines politiques qui règlent l’usage des cours d’eau font obstacle à la définition d’un véritable droit international applicable en la matière, même le principe de l’utilisation équitable et raisonnable des cours d’eau internationaux est déjà consacré.
Il revient aux acteurs politiques d’être pragmatique pour s’engager sur la voie de la coopération, de la meilleure gestion de la demande, tout en se donnant les moyens de saisir le nouveau champ des possibles ouvert par les technologies de pointe et de recyclage pour répondre aux besoins de leurs populations, de leur développement et ainsi atténuer l’une des principales sources de tension d’un siècle confronté à un phénomène de réchauffement climatique. Avec la conjugaison de la multiplication des périodes de sécheresse et l’accroissement de la pression démographique, de jeu de l’accès à l’eau dépendra aussi le développement, la sécurité et la stabilité dans la Méditerranée du XXIe siècle.