18.12.2024
Doit-on craindre les tests de missiles réalisés par l’Iran ?
Interview
15 mars 2016
L’Iran a toujours axé sa stratégie de défense sur une politique de dissuasion, que l’accord sur le nucléaire ne remet nullement en questions. Ces tests entrent naturellement dans cette logique. Cependant, le timing interroge dans la mesure où ces tirs de missiles arrivent rapidement après l’élection des membres du parlement et de l’assemblée des experts. Couplés aux inscriptions sur les missiles appelant à la disparition d’Israël, ces tests constituent certainement un message politique adressé aux modérés et au gouvernement de Rohani par les Gardiens de la Révolution afin de freiner la normalisation des relations de l’Iran avec les Etats-Unis.
Les craintes américaines de voir l’Iran se doter de missiles intercontinentaux sont-elles justifiées ? Quel serait l’intérêt de l’Iran de se doter d’une telle capacité militaire ?
Le programme de missiles balistiques iranien n’est pas nouveau. Depuis la guerre du Golfe Persique, et l’envahissement du territoire iranien par les forces conventionnelles irakiennes, l’Iran s’est engagé dans la constitution d’une politique de dissuasion. Elle fut supportée par une industrie nationale capable de mettre en place une batterie de missiles, éventuellement nucléaires. C’est toute l’ambiguïté de la situation actuelle : l’Iran continue de développer une force dissuasive tout en affirmant son incapacité à transporter des têtes nucléaires. Il faut rappeler que le Conseil de sécurité a voté une résolution interdisant à l’Iran de tester des missiles pouvant être équipés avec des charges nucléaires.
Cependant, on ne peut pas contester à l’Iran le développement d’une telle politique. La part du PIB iranien consacrée à l’armement reste relativement modérée comparée à d’autres budgets régionaux. Mais tandis que l’Iran affirme que ces tests entrent dans la continuité de sa politique de dissuasion nationale, Israël et les Etats-Unis s’inquiètent de la portée des missiles et interprètent ces nouveaux essais comme un acte agressif.
Dans quelle mesure ces tests risquent-ils de compliquer l’insertion de l’Iran dans la communauté internationale mais aussi d’accroître les tensions régionales dans un contexte de militarisation voire de nucléarisation du Moyen-Orient ?
Contrairement à certaines affirmations, notamment du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, ces tests ne remettent pas en cause l’accord sur le nucléaire. L’accord suit son cours et il est clair que personne n’a envie de le voir remis en cause. Les sanctions vont être levées et permettront la réintégration économique de l’Iran en 2016. Quant à la réintégration diplomatique, Rohani semble en position de force suite à sa victoire au parlement et à l’élection de figures réformistes à l’assemblée des experts. Cependant, la politique d’apaisement menée par le président de la République d’Iran sera l’objet d’une lutte avec les forces ultras qui rejettent cette politique de « normalisation » et l’influence des Etats-Unis. L’habilité politique de Rohani et l’évolution des rapports de force en termes de politique intérieure semblent pour l’instant jouer en sa faveur.
En ce qui concerne l’aspect régional, Rohani plaide aussi pour de meilleures relations avec l’Arabie Saoudite. Les tests de missiles iraniens ne devraient pas impacter le rapport de force régional. C’est plutôt la résolution de la crise syrienne qui sera une donnée fondamentale pour anticiper l’évolution de la relation entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. A priori, les forces modérées en Iran sont prêtes à faire un pas en direction des Saoudiens pour apaiser les tensions et pour trouver une solution finale au conflit en Syrie.