06.11.2024
Soudan : « On a plusieurs conflits qui s’enchevêtrent dans cette région »
Presse
1 février 2016
Pour simplifier, on a une opposition historique entre le Nord et le Sud c’est-à-dire entre un Soudan arabo-musulman et un Soudan noir à tradition animiste et chrétienne. Le Soudan a connu deux guerres civiles terribles (19551972 puis 1983-2005), la seconde ayant été l’une des plus longues et plus meurtrières du XXe siècle avec plus de 2 millions de morts. Il y a bien sûr des enjeux pétroliers derrière, notamment entre les grandes puissances mondiales. Ainsi, la Ligue arabe a soutenu le Soudan, les Etats-Unis, le Rwanda et l’Ethiopie ont soutenu l’armée de libération du Sud. Avec l’accord de paix de 2005, on a eu un arrêt de la violence extrême. Cet accord envisageait la possibilité d’un référendum vers une autonomie ou une indépendance du Sud. Le référendum a eu lieu en 2011 le Soudan du Sud a été créé en tant qu’Etat mais la paix n’a pas été assurée de manière durable vu les conflits qui secouent actuellement le Soudan et le Soudan du Sud.
Voulez-vous dire que l’indépendance du Soudan du Sud a été mal préparée ?
L’indépendance est venue beaucoup trop tôt. Elle s’est faite au forcing à cause d’enjeux pétroliers. Au Soudan du Sud, on n’avait pas d’Etat, pas de partis politiques seulement des forces armées et des tensions au sein même du SPLM, le Mouvement populaire de libération du Soudan. Le niveau de sous-développement était tel qu’il aurait fallu prendre du temps pour que l’État se construise. Trois problèmes n’ont pas été réglés la question de la citoyenneté de la population originaire du Soudan du Sud qui vit au Soudan, la question des frontières et celle du pétrole. Quand on sait que 80 % des exploitations se trouvent au Soudan du Sud et que les oléoducs passent par le Soudan on comprend qu’il y a un problème. Au final l’indépendance a conduit à de nouveaux conflits militaires.
Aujourd’hui, le Soudan du Sud connaît une guerre civile. Que se passe-t-il ?
On a une guerre civile entre les troupes du président Salva Kiir et celles de l’ancien vice-président Riek Machar. C’est devenu un conflit en partie ethnique entre les Nuer (de l’ethnie du chef de la rébellion Riek Machar) et les Dinka (du président Salva Kiir). Et ce conflit est instrumentalisé par le soutien apporté par Omar el Béchir, du Soudan, à la rébellion de Riek Machar. Par ailleurs, on a aussi un nouveau conflit au Soudan les rebelles issus du SPLM (aujourd’hui regroupés dans le SPLM-North) ont repris les armes contre Khartoum dans les régions du Kordofan du sud et du Nil Bleu. Les conflits s’enchevêtrent car là aussi, le Soudan du Sud (le camp de Salva Kiir) soutient le mouvement rebelle. On a donc des conflits interdépendants entre le Soudan et le Soudan du Sud. Les Soudanais du Sud attisent les conflits au Soudan. Les Soudanais attisent les conflits au Soudan du Sud. Et là-dessus se greffe le conflit au Darfour qui continue de sévir. On est face à une crise humanitaire sans précédent… Au Soudan du Sud, mais aussi probablement au Soudan, il s’agit d’un drame absolu parle nombre de morts (50 000 au Soudan du Sud), mais aussi de déplacés (2,5 millions au Soudan du Sud) de cas de sous-alimentation et par les risques de famine. Mais on n’a pas accès à des informations précises en raison des conflits, c’est pourquoi on reste dans des ordres de grandeur.
Propos recueillis par Cécile Leclerc-Laurent