ANALYSES

Elections législatives anticipées au Kazakhstan : quels enjeux ?

Interview
1 février 2016
Le point de vue de Samuel Carcanague
Des élections législatives anticipées ont été fixées au 20 mars au Kazakhstan. Cette décision est-elle une surprise et comment l’interprétez-vous ?
Le président kazakhstanais Noursoultan Nazarbaiev a annoncé la dissolution de la chambre basse du parlement (Majlis) le 20 janvier dernier, provoquant des élections anticipées. Les députés, dont une large majorité appartient au parti présidentiel Nur Otan, avait voté l’autodissolution de la chambre une semaine auparavant. Le scrutin se déroulera le 20 mars au lieu de la fin d’année 2016.
Ce n’est pas une surprise dans la mesure où la plupart des dernières élections nationales kazakhstanaises ont été anticipées, notamment l’élection présidentielle de l’année dernière qui avait été avancée de décembre à avril 2015. On se retrouve ainsi dans le même schéma.
Ces deux décisions se basent en réalité sur un même constat : les difficultés que rencontrent le Kazakhstan actuellement ont besoin d’un exécutif fort et d’un parlement légitime. Pour cela, les dirigeants kazakhstanais estiment que provoquer des élections anticipées permettra de renforcer la légitimité des institutions et du pouvoir, en permettant à la population d’exprimer son soutien aux réformes en cours destinées à contrer les difficultés économiques actuelles du Kazakhstan. Précisons toutefois que les scrutins sont loin d’être équitables, avec une opposition politique quasi-inexistante et une liberté d’expression extrêmement réduite.

Quels sont les principaux défis auxquels est confronté le Kazakhstan ?
Le Kazakhstan fait aujourd’hui face à deux défis principaux. Le premier, immédiat, concerne les difficultés économiques. Le Kazakhstan a subi une forte contraction de son économie ces deux dernières années. Cela est dû principalement au ralentissement économique russe et à la baisse du prix des hydrocarbures, le pétrole constituant une partie considérable des exportations kazakhstanaises, et finançant ainsi une large part du budget de l’Etat. Ces difficultés se sont notamment traduites par une dévaluation de la monnaie locale, le tenge, faisant peser directement les effets de la crise sur la population kazakhstanaise. Le parti au pouvoir devient ainsi de plus en plus inquiet de la situation sociale et de sa possible dégradation. Avec un baril à 30 dollars, les grands projets comme l’exposition Astana 2017, dont on vient de raboter le budget, sont remis en cause et le rejet de la candidature d’Astana aux Jeux olympiques 2022 au profit de Pékin a dû soulager certains économistes kazakhastanais…
Le deuxième défi, dont les effets restent à venir, est relatif à la future succession du président Nazarbaïev, âgé et au pouvoir depuis plus de 25 ans. Chaque démission et chaque nomination sont scrutées et interprétées à l’aune de la future succession. Mais malgré les supputations, l’incertitude demeure quant à la stabilité du pays lors de la transition, en particulier dans un contexte économique dégradé.

La situation du Kazakhstan est-elle à l’image de celle de la région ?
On peut dresser certains parallèles entre la situation kazakhstanaise et le reste des pays centrasiatiques. L’Ouzbékistan est également confronté à un problème de succession avec le président Islom Karimov. Agé de 77 ans, il a été lui aussi réélu au printemps dernier à 91%, au terme d’un scrutin destiné à réaffirmer le soutien de la population dans un contexte difficile.
Au Turkménistan, les avantages sociaux dont bénéficiait la population comme le gaz gratuit ont été progressivement supprimés. La monnaie du pays a été soudainement dévaluée. La période de prospérité qui a commencée au milieu des années 2000 est donc terminée. Des incidents à la frontière turkmène font également craindre pour la sécurité et l’intégrité du territoire.
Le Kirghizstan est, avec son régime parlementaire, le plus démocratique des cinq pays, mais s’engage sur une pente autoritaire comparable au modèle russe.
Le Tadjikistan, par l’intermédiaire de son président Emomalii Rahmon, s’enferme dans une vision fortement autoritaire du pouvoir ; il a notamment interdit le principal parti d’opposition sous prétexte qu’il était extrémiste à tendance islamiste, tout cela dans un contexte économique dégradé avec la chute des revenus tirés des migrants tadjiks travaillant en Russie, qui représentent plus d’un tiers du PIB du pays. Un retour massif de ces émigrés, qui peinent désormais à trouver du travail en raison du ralentissement de l’économie russe, pourrait d’ailleurs, à terme, représenter un défi économique et social important pour les pays centrasiatiques (surtout au Kirghizstan, Ouzbékistan et Tadjikistan), venant s’ajouter aux problématiques déjà présentes.
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