27.12.2024
L’assaut des investisseurs chinois sur Hollywood réussira-t-il à nous faire désirer un jour la « chinese way of life » ?
Presse
14 janvier 2016
Barthélémy Courmont : La stratégie chinoise du soft power, commencée en 2003 et officialisée en 2007 à l’occasion du 18ème congrès du Parti communiste chinois, a deux objectifs. Il s’agit d’une part de conforter le sentiment de fierté nationale et d’appartenance à l’ensemble culturel chinois. En ce sens, le soft power cible la population chinoise, et participe à l’effort de légitimation et de crédibilisation de l’Etat-parti. Cette stratégie s’adresse d’autre part au reste du monde, et en particulier aux pays en développement.
La Chine y mène depuis une décennie une stratégie d’investissement et de développement des échanges (notamment académiques, universitaires, culturels, ce qui indique qu’il ne s’agit pas à proprement parlé d’un projet économique et commercial). La création des Instituts Confucius (où sont enseignés la langue, la culture et les coutumes chinois) en 2004 répond à cet objectif. On compte aujourd’hui environ 500 établissements dans une centaine de pays (dont 16 en France), et Pékin a annoncé que la barre des 1 000 établissements sera atteinte en 2020. Les pays africains, sud-est asiatiques ou sud-américains sont les cibles privilégiées de ces instituts, mais on en trouve dans le monde entier. On relève dans ces pays une présence chinoise plus forte, des étudiants en chinois plus nombreux, et des synergies qui sont liées à ce rapprochement culturel.
Selon Joseph Nye, père fondateur du concept de soft power, ce dernier émane principalement de la société civile. Or, en Chine tous les vecteurs du soft power sont largement contrôlés et coordonnés par l’Etat. Les grands groupes chinois sont par ailleurs fortement encouragés par l’Etat dans leur entreprise d’acquisitions d’industries culturelles ou de médias à l’étranger. Peut-on parler de soft power dans le cas de la Chine ?
Le soft power chinois est une reconstruction du concept de Joseph Nye. Dès 1993, des intellectuels chinois se sont emparés de ce concept et ont cherché dans quelle mesure il pouvait servir les objectifs de Pékin, décrits plus haut. Le défi était d’adapter les préceptes du politologue néo-libéral à la nature du régime chinois. C’est à ce titre qu’on peut parler de « stratégie » de soft power, là où le concept de Nye s’appuie sur des initiatives individuelles et non planifiées. Ce n’est donc pas, dans la méthode, tout à fait du soft power, ou alors il s’agit d’une nouvelle manière de mettre en avant son soft power, qui d’ailleurs pourrait s’imposer dans les autres pays, sous la forme de mesures de protection et de promotion des produits culturels.
La Chine semble avoir peu de produits culturels à offrir au reste du monde à l’inverse de certains pays asiatiques (Japon, Corée) qui ont une culture plus attractive. Est-ce que les dirigeants chinois ont conscience de ce manque d’attractivité des produits culturels chinois? Comment la culture et les valeurs chinoises pourraient-elles s’internationaliser avec succès ?
A titre personnel, je ne suis pas sûr que la Corée, et même le Japon, disposent d’une attractivité culturelle plus grande que la Chine, compte-tenu de son histoire et de sa diversité. En revanche, ces deux pays, la Corée surtout, sont engagés dans une stratégie de soft power comparable à celle de la Chine, avec la promotion de la production culturelle (cas du Hallyu et de la KPop en Corée, qui sont appuyés par les conglomérats, ou Chaebols, et même le gouvernement coréen). Depuis une décennie, les produits culturels chinois s’exportent de plus en plus (exemple du cinéma) et si l’image de ce pays reste assez négative dans le monde occidental (pour des raisons politiques surtout), il n’en est pas de même dans le reste du monde.