ANALYSES

Election de Roch Marc Kaboré : un renouveau pour le Burkina Faso ?

Interview
1 décembre 2015
Le point de vue de Philippe Hugon
Les élections au Burkina Faso se sont passées dans le calme. Est-ce un signe de la maturité politique du peuple burkinabais ? En quoi ces élections étaient-elles symboliques ?
Ces élections sont effectivement symboliques et se sont très bien déroulées. Même au premier tour, le résultat de Roch Marc Kaboré, ancien ministre de Blaise Compaoré, ne sera pas contesté. Il y avait eu une menace de coup d’Etat de la part du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), qui s’est soldée par un échec, tenant à la fois au fait que l’armée du Burkina a été une armée républicaine et, d’autre part, aux mouvements de la rue qui ont montré que la société civile se mobilisait pour que la démocratie soit véritablement respectée. Le peuple n’a pas voulu de manipulation constitutionnelle de la part de Compaoré. C’est une très grande réussite car le Burkina Faso est un exemple qui se réfère à des luttes passées, notamment à la mémoire de Sankara. Ceci étant, cet exemple n’est malheureusement pas suivi dans beaucoup de pays. Il suffit d’observer ce qui se passe au Burundi, au Congo ou encore au Rwanda.

A quoi peut-on s’attendre avec Roch Marc Kaboré à la tête du pays ?
C’est quelqu’un d’expérience qui, je pense, sera un élément de réconciliation. Cela étant, il y a eu de très grandes turbulences, le parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), était largement majoritaire, et il y a des mécontents qui n’ont pas pu se présenter aux élections. Aussi, dans ce contexte, il faut impérativement qu’il y ait une ouverture possible aux différentes forces qui peuvent s’exprimer. Je pense qu’il y aura des réformes en ce sens. Il faut faire crédit à ce nouveau premier ministre, en sachant que le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres du monde et a de nombreux défis à relever, notamment sécuritaires.
Mais la société burkinabaise dispose de plusieurs atouts. Elle est structurée par rapport à des traditions. La référence au Mogho Naba, roi des Mossis et élément d’unité nationale, est importante. L’économie est essentiellement fondée sur le coton, faisant du Burkina Faso le premier producteur d’Afrique. Le coton fait vivre un quart de la population et est relativement bien réparti régionalement, ce qui représente un atout. Pays enclavé et pauvre, il n’y pas d’effet de distorsion et de fracture territoriale comme il peut y en avoir dans d’autres pays. L’or, premier produit d’exportation aujourd’hui, alimente le budget de l’Etat et n’a pas d’effet destructeur du tissu économique.

Comment se positionne le Burkina au sein de cette Afrique de l’Ouest victime de graves troubles et turbulences ?
L’Afrique de l’Ouest représente en effet une zone de grande turbulence. Etant un pays enclavé, le Burkina n’en est bien sûr pas à l’écart. Il pourrait, par effet de contagion, être impacté par ce qui se passe au Mali. Les menaces sont par ailleurs très importantes au Sénégal, ainsi qu’en Côte d’Ivoire. De ce fait, le pays n’est pas à l’abri d’attentats sur son sol.
Néanmoins, le Burkina Faso est aujourd’hui un exemple sur le plan politique. Les ONG y jouent un rôle très important. Il n’y a jamais eu de problème d’ethnicisation ou d’instrumentalisation du religieux. Cela représente un exemple pour les pays africains. Il faut savoir qu’en Afrique de l’Ouest, il existe un processus global de démocratisation qui a malgré tout progressé. Le Burkina Faso n’est ainsi pas un exemple isolé. Malheureusement, beaucoup de pays d’Afrique centrale ne connaissent pas, en revanche, cette situation.
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