18.11.2024
Quand le Japon s’affirme dans son environnement immédiat
Tribune
30 novembre 2015
Le vice-ministre de la Défense du Japon, Kenji Wakamiya, a rencontré le 26 novembre le maire d’Ishigaki – une île du sud de l’Archipel – dans le but d’obtenir son soutien pour le déploiement prévu de centaines de troupes dans la région proche des îles contestées de la mer de Chine orientale, rapporte le Asahi Shimbun.
Le vice-ministre de la Défense a rencontré le maire Yoshitaka Nakayama pour expliquer un plan pour déployer environ 500 militaires au sol sur l’île Ishigakijima à partir de 2019. Les troupes serviraient à des interventions d’urgence en cas d’infiltration sur les îles voisines ou dans le cadre de la défense antimissile balistique. Ishigaki a la juridiction sur les îles Senkaku, contrôlées par Tokyo, que la Chine revendique se fondant sur des raisons historiques et appelle les îles Diaoyu.
Le Japon a intensifié l’état de préparation de sa défense, en particulier sur les îles situées dans le Sud-Ouest du pays, alors que la Chine se renforce militairement et effectue de fréquentes patrouilles près des îles contestées. Les inquiétudes du Japon portent sur la Chine et sur les ambitions de la Corée du Nord en matière de missiles et d’armes nucléaires.
Le gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe a promulgué de nouvelles lois sur la sécurité en septembre 2015 en dépit de nombreuses critiques affirmant qu’elles violent la Constitution japonaise de 1946 qui interdit la guerre et la possession de forces armées d’ailleurs. Cette politique d’affirmation du rôle du Japon complète l’assouplissement des règles d’exportation de l’industrie d’armement japonaises, depuis avril 2014, qui doit faciliter les coopérations industrielles en matière d’armement et ouvrir de nouveaux marchés au Japon : Australie et Inde notamment.
Le Japon construit déjà une base sur l’île voisine de Yonaguni afin d’y déployer 150 soldats de surveillance côtière, et prévoit de déployer des centaines d’autres sur les îles de Miyakojima et Amami Oshima d’ici à 2018.
Les statistiques de la Garde côtière japonaise montrent que les navires – et les avions – du gouvernement chinois ont pénétré dans les eaux territoriales japonaises entourant les îles en litige entre quatre et 28 fois par mois, et s’approchent de ces eaux presque tous les jours depuis que le Japon a nationalisé certaines des îles contestées en septembre 2012. Le Japon a fait décoller vendredi 27 novembre des chasseurs en urgence après le passage, près de plusieurs de ses îles méridionales, d’une escadrille de 11 avions militaires chinois pour ce que Pékin a décrit comme des manœuvres. Les avions chinois — huit bombardiers (notamment des bombardiers lourds H-6K, copie du TU-16 soviétique, nom de code OTAN Badger) et trois avions d’observation — sont passés près de Miyako et Okinawa. Le journal nippon Yomiuri Shimbun a estimé qu’il était « inhabituel » pour la Chine de déployer une escadre aussi importante près de l’espace aérien japonais, et que le ministère de la défense était en train d’analyser le but de cette mission. Le Japon fait décoller ses chasseurs en urgence plusieurs centaines de fois par an pour défendre son espace aérien.
Les relations entre les deux Etats, qui ont les deuxième et troisième plus grandes économies du monde, sont également tendues en raison de leur histoire pendant la Seconde Guerre mondiale où, hormis l’invasion illégale du territoire chinois, furent commises de nombreuses exactions et massacres, le développement des gisements de gaz sous-marins dans les zones à proximité des îles contestées et d’autres questions.
Des patrouilles japonaises en mer de Chine méridionale ?
Dans cette région, Pékin, bien qu’il s’en défende, construit des bases militaires en toute illégalité en renflouant notamment certains atolls des îles Spratlys. Face à cette situation, le Japon envisage d’envoyer des navires des Forces d’autodéfense maritimes (FAD ou MSDF en anglais, nom de la marine de guerre japonaise) afin de patrouiller dans cette zone.
Cette position a été évoquée récemment après une rencontre entre Shinzo Abe et le président des Etats-Unis, Barack Obama. Toutefois, Yoshihide Suga, le principal porte-parole du gouvernement japonais, a indiqué qu’il n’y pas actuellement de plans pour mettre en œuvre les FAD maritimes dans cette zone de 3,5 millions de kilomètres carrés. Toutefois, il pourrait s’agir d’une première application des lignes directrices de la coopération militaire nippo-américaine, révisées en avril de cette année. « L’alliance avec les États-Unis est notre fondement. Voilà comment nous construisons la dissuasion », a souligné l’Amiral Katsutoshi Kawano, chef de l’état-major interarmées des Forces d’autodéfense japonaises.
Washington s’inquiète – comme de nombreux pays riverains de la zone, notamment le Vietnam et les Philippines – des violations chinoises du droit maritime international et des menaces qu’elles font peser sur la liberté de navigation dans cette zone stratégique pour le commerce international.
Washington a d’ailleurs transféré récemment à Manille des navires garde-côtes afin de mieux protéger ses eaux territoriales menacées par les visées chinoises. Tokyo a aussi prévu de faire de même et a réalisé des exercices communs avec les Philippines. Les autorités de Manille prendront livraison cette année du premier des dix des bateaux de patrouille de 40 mètres de long que le Japon est en train de construire pour les garde-côtes philippins, a déclaré le porte-parole de la Garde côtière commandant Armand Balilo en mai.
La Chine restera en « alerte maximale concernant une intervention du Japon sur la question de la mer de Chine méridionale », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois Hong Lei à l’agence Xinhua, exhortant le Japon à réfléchir sur son passé d’agresseur pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le Japon s’affirme donc lentement et avec précaution, mais il rencontrera de plus en plus sur son chemin les prétentions chinoises, au risque de conflits verbaux, voire militaires…