20.11.2024
Russie-Turquie : doit-on craindre une escalade ?
Presse
25 novembre 2015
Parce que la Turquie a une position un peu ambiguë vis-à-vis de la coalition. La Turquie frappe autant, voire plus les gens qui combattent Daech que ceux qui combattent Bachar El Assad et que Daech lui-même, bien entendu. D’autre part, la Turquie est très impliquée dans le financement de l’Etat islamique, par les achats de pétrole, avec même le fils d’Erdoğan (le président turc, ndlr) qui est profondément impliqué dans cette affaire. Nous sommes donc dans une situation un peu compliquée et les Russes sont des gêneurs pour les Turcs, puisque ces derniers étaient un peu les maîtres du jeu dans le nord de la Syrie, en laissant un certain nombre de gens se faire massacrer, sans lever le petit doigt. Nous sommes dans une situation où les Turcs prendront tous les prétextes pour se battre avec les Russes. Les Turcs voient d’un œil épouvanté une ébauche de coordination entre les Américains et les Russes.
Les Russes semblaient être au-dessus du territoire syrien et non dans l’espace aérien turc : que ce soit le cas ou non, comment interpréter les tirs turcs envers un allié censé participer à la coalition anti-daech ?
Pour le moment la coalition n’est pas créée. Les Turcs sont censés appartenir à une coalition contre le groupe Etat islamique, mais ils ont une position très à part puisqu’ils frappent très peu l’Etat islamique et beaucoup plus les Kurdes. Dans le même temps la Turquie essaye d’impliquer l’OTAN de manière extrêmement claire. L’interprétation du tir de l’aviation turque contre un chasseur russe correspond à une situation où les Russes sont d’un côté de la frontière et de l’autre. A 300 mètres par seconde, c’est vite fait quand même. Il est probable, comme disent les Turcs, qu’il y a eu des mises en garde, mais c’est un prétexte, la Turquie profite de l’occasion pour agir. On ne sait pas exactement ce qu’il s’est passé, mais il semblerait qu’il y ait eu des illuminations d’avions turcs à l’intérieur de leur frontière par des radars russes au sol. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que d’un côté vous avez un pays qui est à peu près droite dans ses bottes avec des vrais professionnels, la Russie, et de l’autre la Turquie, qui n’est pas franchement droite dans ses bottes, c’est le moins qu’on puisse dire, et qui n’est pas très professionnelle sur le plan technique.
Cet incident grave peut-il créer une escalade militaire qui dépasserait le conflit syrien ? Entre la Turquie et la Russie, voire avec l’OTAN ?
On considère que c’est un incident extrêmement grave et on s’inquiète des conséquences, mais tout le long de la guerre froide il y a eu ce genre d’incidents, avec des avions abattus d’un coté et de l’autre, et c’est resté de la guerre froide. Les Russes sont extrêmement solides et stables, donc ce ne sont pas eux qui vont chercher à envenimer l’affaire, et tous les pays de l’OTAN sont pour un combat contre l’Etat islamique, à part la Turquie. Donc la Turquie ne sera pas soutenue par le reste de l’OTAN, ça parait invraisemblable qu’il en soit autrement.