20.11.2024
La France peut-elle compter sur ses partenaires européens dans sa lutte contre Daech ?
Interview
25 novembre 2015
Il y a déjà un soutien sur le plan opérationnel. Le destroyer britannique HMS Defender est en soutien du Charles de Gaulle sur la zone et le Royaume-Uni a autorisé la France à utiliser une des bases de la RAF à Chypre. Les Britanniques sont également déjà présents en Irak. Ils y ont effectué une vingtaine de frappes contre Daech depuis les attentats du 13 novembre.
Au regard de l’engagement britannique en Syrie, l’équation est plus délicate. La volonté de David Cameron d’intervenir en 2013 avait été censurée par le parlement britannique dans un vote le 29 août 2013, ce qui a laissé des traces profondes. Aujourd’hui, après les évènements de Paris, le consensus politique est plus favorable. Cameron a bon espoir de pouvoir recevoir l’aval de son parlement dans un vote qui devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Il devrait présenter ses arguments ce jeudi 26 novembre. Le cas échéant, le Royaume-Uni serait prêt à envoyer en Syrie, en plus de l’Irak, ses avions Tornado et leurs missiles Brimstone.
Quid des autres partenaires de la France ?
Sur le plan politique, le président français François Hollande essaie de mobiliser sur tous les fronts. Il effectue une tournée diplomatique cette semaine sur un plan bilatéral pour essayer de mobiliser les volontés, au niveau américain, allemand, britannique et russe. Au niveau des ministres des Affaires étrangères, un processus de long terme est engagé et s’est matérialisé par quelques avancées dans le cadre du processus de Vienne qui s’est tenu le 30 octobre 2015. Au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies, a été votée vendredi dernier à l’unanimité une résolution assez ouverte qui permet d’utiliser tous les moyens possibles dans la lutte contre Daech. Enfin, François Hollande a activé la semaine dernière de manière extrêmement habile la clause 42-7 d’assistance mutuelle européenne. Cela permet de placer les Européens devant leurs responsabilités.
Plusieurs aspects peuvent être soulignés de ce point de vue. La première caractéristique de l’article 42-7 est de n’être pas l’article 5 du traité de l’Atlantique nord. On peut imaginer que les Britanniques auraient davantage souhaité que François Hollande évoque cet article du traité de l’Otan mais ils se sont ralliés à l’appel du président français par le biais de l’article 42-7. On ne peut pas en effet chanter la Marseillaise à Wembley le lundi et refuser une demande de solidarité européenne de la France le lendemain. C’est finement joué de la part de François Hollande. L’autre aspect est qu’en appeler à l’article 5 du traité de Washington aurait eu pour désavantage de s’aliéner les Russes. Du point de vue américain, cela permet pour l’instant de ne pas mettre Obama en porte à faux. Ces gestes politiques forts reviennent à mon sens à cocher toutes les cases nécessaires pour mobiliser les volontés. Dire qu’elles sont nécessaires ne veut cependant pas dire qu’elles seront suffisantes.
Quelles entraves à une réponse européenne subsiste-t-il donc ?
Comme souvent, le problème est celui de la traduction en aval de ces expressions de bonne volonté en amont. L’usage de la force n’est pas nécessairement dans l’ADN de l’Union européenne, où il demeure des divisions latentes de perception de la menace entre les pays du Sud, du Nord, de l’Est et de l’Ouest. Celles-ci sont bien connues et sont promptes à refaire surface dès lors que des décisions concrètes sont à prendre. La question est de savoir si les attentats de Paris réussissent à mettre les Européens d’accord, et à faire en sorte qu’ils se rendent compte qu’ils sont tous dans le même bateau et qu’ils ont une perception convergente de la menace. En d’autres termes, que chacun considère qu’il est dans son intérêt national de résoudre le problème.
Une autre difficulté concrète réside dans les mécanismes parlementaires qui font que le déploiement de la force peut prendre beaucoup plus de temps qu’en France. C’est le cas notamment en Allemagne. La coopération concrète entre Etats européens est donc difficile à prévoir aujourd’hui. On peut imaginer une répartition des tâches où les Etats européens soutiennent les efforts français au Sahel par exemple, pas nécessairement du point de vue des capacités militaires de première ligne mais du point de vue du soutien, de la formation ou de l’équipement, ce qui permettrait de libérer des ressources pour que la France fasse autre chose, soit en Syrie, soit sur le plan intérieur. C’est important car la structure des forces françaises aujourd’hui est quand même mise sous pression par ses différents engagements sur différents théâtres, extérieurs et intérieur.