27.11.2024
Ne tombons pas dans les pièges tendus par Daech
Presse
16 novembre 2015
La question qui se pose aujourd’hui c’est : comment réagir ? Que faire face à cette menace d’un type nouveau par son ampleur ? La plus grande difficulté aujourd’hui est de répondre à ces attaques immondes non par l’émotion mais par la raison.
Ne pas tomber dans le piège de Daech
La première question à se poser est de savoir ce que recherchaient les terroristes pour ne pas leur donner satisfaction. Ne pas tomber dans le piège tendu par Daech. Il faut affirmer haut et fort que nous ne changerons pas ce que nous sommes : une société ouverte et démocratique. Après le terrible attentat d’Oslo, le Premier ministre norvégien avait déclaré : « Bien entendu, nous n’avons pas changé ce que nous sommes ». Breivik avait durement touché la société norvégienne en tuant près de quatre-vingts personnes, mais il n’avait pas gagné.
Les Français doivent montrer qu’ils n’ont pas peur, qu’ils continuent à sortir, à profiter de la merveilleuse ville qu’est Paris. Qu’ils prennent des précautions renforcées, mais qu’ils ne font pas un amalgame entre terroristes et musulmans. C’est ce que cherche Daech : renforcer l’islamophobie pour nourrir le terrorisme, développer le terrorisme pour nourrir l’islamophobie.
Bachar el-Assad : le meilleur sergent recruteur pour Daech
Deuxième défi : la réponse directe à Daech sur le plan militaire. Bien sûr, il faut ignorer les demandes de Bachar el-Assad pour lutter contre Daech. Les deux ont en fait partie liée. Bachar el-Assad est le meilleur sergent recruteur pour Daech par l’horreur de sa répression.
Selon certains, ce sont les bombardements sur l’État islamique qui sont la cause des attentats. Mais y mettre fin aujourd’hui signifierait que l’on change de stratégie par peur et qu’ainsi les terroristes ont gagné. La France va très certainement intensifier ses bombardements. Ils pourront affaiblir l’État islamique et ne permettront pas de le vaincre définitivement.
Le piège de l’offensive terrestre occidentale
Et c’est là qu’il ne faut pas tomber dans l’autre piège. Lancer une offensive terrestre occidentale. C’est justement ce qu’attend Daech pour nourrir un discours de mobilisation contre « les croisés ». C’est aux pays sunnites, pays du Golfe et à la Turquie d’agir en premier lieu, parce qu’ils sont les plus légitimes pour affaiblir le soutien des sunnites irakiens et syriens à Daech et qu’ils sont aux premières loges de la menace.
Il faut entamer une grande concertation avec tous les pays concernés : pays du Golfe, Turquie, Occidentaux, Russie, Iran pour mettre fin à cette menace globale, mais les pays sunnites doivent être à l’avant-garde de la bataille. Ils en ont les moyens, et l’enjeu est bien plus essentiel que la guerre que les Saoudiens mènent en ce moment au Yémen.
Nouveau type de menace
Le terrorisme doit susciter une mobilisation globale mais il faut ne pas se contenter de lutter contre ses effets. Il faut également réfléchir à ses causes. Ceux qui ont soutenu la guerre d’Irak en 2003 sont assez mal placés pour nous expliquer comment lutter contre l’État islamique qui est un avatar de cette guerre.
Nous sommes dans une situation nouvelle. Tout d’abord par le nombre de morts, mais également par le type de menace. Pendant longtemps, certains disaient qu’il ne fallait pas parler d’État islamique parce que c’était donner trop d’importance à Daech. Mais cette organisation exerce bien une autorité sur la population qui vit sur un territoire donné et qui, de plus, organise des attentats à l’extérieur.
Discours de vérité
Nous sommes confrontés à une mutation inédite du terrorisme qui est à la fois déterritorialisé et ancré sur un territoire. Face au terrorisme, il n’y a pas de risque zéro. Le plan Vigipirate en France n’a pas empêché ces attentats. Vous protégez mille cibles, les terroristes vont s’attaquer à la mille et unième. On ne peut pas mettre des policiers ou militaires devant toutes les terrasses, dans toutes les salles de spectacles, dans tous les monuments publics. Il faut tenir un discours de vérité aux citoyens. Oui, il y a un risque terroriste et il faut s’habituer à vivre avec, comme nous nous habituons à vivre avec d’autres risques.
Et nous sommes face à un dilemme : impossible, bien sûr de ne pas parler des attentats. Mais plus nous en parlons, plus nous donnons satisfaction aux terroristes. Nous leur disons publiquement ce qui nous fait peur. Il faut donc dire que nous sommes conscients du risque, mais que nous n’avons pas peur. Nous serons vigilants, mais nous ne tomberons pas dans la paranoïa et la panique.