ANALYSES

Armes légères : faut-il vraiment regretter l’absence de fabricant français pour le successeur du FAMAS ?

Presse
11 octobre 2015
Interview de Jean-Pierre Maulny - Atlantico
Depuis 2014, le ministère de la Défense français a lancé un appel d’offres dans le but de remplacer le fusil d’assaut Famas. Ces derniers temps la polémique à ce sujet a enflé notamment car les entreprises concernées seraient toutes étrangères. Dans un gouvernement qui tend à privilégier le « made in France » pourquoi ne pas se tourner vers des industries francophones ?
La législation européenne ne permet pas aux pays membres de l’Union de faire du protectionnisme lorsque la sécurité du pays n’est pas en jeux (directive européenne de 2009). Ici, on se trouve dans le cadre d’un appel d’offre, hors le fusil d’assaut n’étant pas une arme à caractère stratégique, la France n’a de choix que de se s’ouvrir aux entreprises étrangères. Il y a donc eut une compétition entre celles ci et les entreprises française et aujourd’hui seules des entreprises étrangères ont été retenues.
Si le gouvernement avait fermé son marché intérieur, le dossier Famas aurait, sans doute, été déféré devant la Cours de justice européenne. La France aurait donc du invoquer l’article 346 du traité européen, selon lequel un pays a la possibilité de refuser de s’ouvrir au marché européen lorsque ses intérêts essentiels de sécurité sont en jeux. Ce ce qui est le cas lors d’un appel pour un sous-marin nucléaire de dissuasion, mais est difficilement justifiable lorsqu’il s’agit d’un fusil d’assaut. Les intérêts essentiels de sécurité de la France n’étant pas en jeux, invoquer cet article dénoterait d’une volonté de se replier sur soi et nous mettrait au banc de l’Union Européenne .

Jean-Yves le Drian a assuré que si aucune entreprise française n’avaient été recrutées c’étaient parce qu’elles ne développaient plus d’armes légères. Qu’en est-il ?
Il est vrai que ce secteur a été globalement abandonné par les entreprises hexagonales après la fourniture du Famas qui était fabriqué par la manufacture d’armes de St Etienne, plus connu sous le nom de Manufrance qui n’existe plus aujourd’hui. Nexter qui a repris Manufrance ne fabrique plus d’armes légères.
Aujourd’hui, seule une PME, Vernier Carron avait fait une offre mais elle n’offrait pas les garanties financières pour un tel marché.Une entreprise européenne sera certainement choisi ce qui reste dans la logique de construction d’une Europe de défense.
Les pays qui restent les plus en pointes en Europe dans la fabrication d’armes légères restent l’Allemagne et l’Italie, qui possèdent des entreprises de renom dans ce domaine. Elles offrent des garanties suffisantes pour fournir les armées françaises mais également pour fournir le soutien, l’entretien de ces fusils pour une période de 30 à 40 ans.

Deux parlementaires de l’opposition Philippe Meunier (LR) et Jean-Jacques Candelier (PCF) ont fustigés les propos du gouvernement regrettant le choix d’entreprises étrangères. Pourquoi aller à l’étranger alors que la France à toujours privilégier un armement « made in France » ? Sont-elles réellement meilleures dans ce domaines ?
Au niveau technologique les entreprises françaises sont aussi compétentes que leurs concurrentes européennes, c’est au niveau du soutien logistique, ce que l’on appelle le soutien opérationnel, que les entreprises étrangères offrent de meilleures garanties . Hors, lorsque l’on achète un fusil d’assaut, on l’achète en grand nombre, il faut donc sélectionner une entreprise qui puisse offrir des garanties au niveau du matériel et de sa durée de vie.
C’est ici que la surface de l’entreprise au niveau financier entre en jeux, c’est un critère important. Si le gouvernement n’a ouvert l’appel d’offre qu’à des entreprises aux revenus supérieurs à 80 millions d’euros durant ces trois dernière années, c’est en vue de s’assurer que l’entreprise choisie n’aura aucun problème à approvisionner l’armée dès que nécessaire à la fois si il y a des besoins urgents, ce qui peut arriver, mais également pour assurer l’entretien ou la modernisation de matériels durant 30 ans.
Les entreprises remplissant ces critères sont donc entrées en compétition. L’entreprise française n’a pas été volontairement écartée, simplement elle ne proposait pas les critères de sélection . Si son offre avait été d’une qualité supérieure à celle de ses adversaires, elle aurait été sélectionnée sans aucun doute !
Quant à l’opposition de ces deux parlementaires, elle reste infondée puisque depuis la directive européenne de 2009 – votée par le Parlement français en 2011- tout protectionnisme sans enjeux sécuritaires majeurs est interdit.
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