17.12.2024
Partenariat transpacifique : une avancée dangereuse mais encore de multiples incertitudes
Tribune
9 octobre 2015
Ce projet d’accord » méga-régional » de libre-échange est le plus vaste du monde. Il concerne des pays qui représentent 40% du PIB mondial et 2/5e du commerce international. Trois pays latino-américains, fondateurs de la libre-échangiste Alliance du Pacifique, intègrent ce projet.
Trente « chapitres » constituent l’armature d’un texte négocié dans l’opacité la plus totale. Malgré les révélations de Wikileaks qui ont permises d’entrevoir les dangers de l’accord, il est encore difficile de savoir avec précision ce qui a été décidé, secteur par secteur. Depuis le mois d’août, d’intenses réunions secrètes se sont tenues entre les négociateurs au Mexique, à Washington ou en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais l’essentiel est ailleurs. Cet accord valide le pouvoir des tribunaux d’arbitrage privés et renforce considérablement celui des multinationales sur la souveraineté des Etats. Il favorise également la privatisation accrue d’Internet et des technologies de l’information et de la communication, soumet les règles en matière de droits numériques aux normes américaines… et généralise à outrance la surveillance de masse.
Rien n’est encore acquis pour Barack Obama qui va devoir maintenant soumettre le texte au Congrès. Une fois la demande de ratification formulée par le président des Etats-Unis – il ne pourra le faire que lorsqu’il disposera de la version définitive du texte -, le Congrès disposera de 90 jours pour la considérer avant de débattre pour approuver ou rejeter l’ensemble du document. Conformément à la procédure du « Fast Track Authority » (FTA) qu’il a obtenue grâce au soutien des Républicains (contre son propre camp), le président a obtenu que le Congrès ne puisse pas amender le texte chapitre par chapitre, paragraphe par paragraphe.
Quoi qu’il arrive, le TPP aura beaucoup de mal à être ratifié avant la fin de l’année. Au mieux, il ne pourra faire l’objet d’un vote qu’en 2016, année d’élection. Il va devenir, plus que jamais, l’objet de débats intenses pendant la campagne présidentielle américaine à venir.
Le camp démocrate est très divisé sur le sujet. Les Républicains le sont également. Certains considèrent désormais que l’administration Obama a fait trop de concessions dans plusieurs secteurs (celui des médicaments par exemple). Ceux qui ont appuyé Obama pour le FTA voteront-ils le texte in fine ?
L’opposition de l’opinion publique grandit aux Etats-Unis – elle sait que le TPP va compromettre l’emploi dans le pays – et dans plusieurs autres pays impliqués (au Japon ou en Nouvelle-Zélande par exemple). Hillary Clinton elle-même reste prudente sur ce projet en période de campagne. Le candidat de gauche à l’investiture démocrate, Bernie Sanders, qui dénonce un « accord commercial désastreux », va transformer cette séquence en débat national.
L’avenir du TPP n’est pas assuré.
Il faut replacer ce projet dans sa dynamique géopolitique. Il a été pensé pour contrecarrer l’expansion économique et commerciale de la Chine en Asie et dans le Pacifique (40% du commerce mondial). Obama voudrait imposer le TPP comme le véritable bras armé économique de sa politique du « pivot asiatique ». Ce projet vise à attirer les économies dynamiques de la région dans un cadre juridique de gouvernance d’entreprises susceptible de leur assurer un accès privilégié au marché de la première puissance mondiale. Cette perspective accompagne le repositionnement progressif de la puissance militaire états-unienne dans la région. Le TPP est complété, au niveau international, par le Traité transatlantique (ou Grand marché transatlantique ou encore TAFTA) négocié avec l’Union européenne.
Pour les Etats-Unis, l’objectif est, à moyen et long termes, d’organiser une dynamique de convergences entre le TPP, le TAFTA et l’Otan. Le TPP et le TAFTA constituent la colonne vertébrale de la nouvelle stratégie de redéploiement géo-économique des Etats-Unis face à la montée en puissance des économies émergentes, en premier lieu de la Chine, et secondairement, sur le plan géopolitique, de la Russie.
Ces projets réactivent, pour nombre de pays, les logiques affinitaires sur la question des alliances internationales.