14.11.2024
Suspension de Blatter et Platini à la FIFA : vers une nouvelle gouvernance ?
Interview
8 octobre 2015
Cette question autour de la commission d’éthique de la FIFA a été pointée du doigt il y a deux ans à propos du rapport de Michael Garcia. Cet ancien procureur fédéral américain avait réalisé une enquête sur l’attribution des Coupes du monde de 2018 et 2022. Après avoir donné son rapport à la commission d’éthique de la FIFA, celle-ci avait décidé de ne pas le publier, considérant que les éléments de ce rapport ne soulevaient pas de grands problèmes de fraude relatifs à l’attribution de ces évènements. Or, Michael Garcia s’est détaché de cette déclaration et a démissionné de son poste de président indépendant d’enquête de la commission d’éthique de la FIFA, expliquant que le rapport contenait des éléments de fraudes importantes autour de l’attribution de ces compétitions. Cela avait décrédibilisé cette commission, d’autant que l’on sait depuis de nombreuses années que ces instances au sein de la FIFA, censées incarner la transparence, est en réalité à la solde du système Blatter. Elles l’ont en effet toujours légitimé et ont servi à punir ses éventuels opposants au sein de la FIFA. Cette commission n’est vraisemblablement pas indépendante. Cela pose la question de la légitimité de sa décision d’aujourd’hui concernant la suspension de Blatter, Platini et du troisième candidat sud-coréen.
N’est-ce pas tout le système de gouvernance du football mondial qui doit être revu ?
Une réforme interne au sein des fédérations sportives, sous la forme d’un véritable audit financier indépendant pour contrôler les transactions et les décisions budgétaires au sein de ces organisations sportives, apparaît effectivement nécessaire. Il faudrait qu’au sein de la FIFA, les activités commerciales (gestion de la coupe du monde et toutes les activités rémunératrices inhérentes) soient dissociées des activités d’administration du football (développement du football en général). Aujourd’hui, l’argent circule dans toutes les commissions de la FIFA. Cela engendre une opacité qui peut créer une incitation à la fraude. De manière plus générale, il serait souhaitable de revoir l’ensemble du processus décisionnel en ce qui concerne les contrats de sponsoring, de marketing et des attributions des évènements sportifs, afin de rendre la procédure de désignation davantage technique à travers des experts indépendants qui noteraient les dossiers de candidature selon des critères objectifs : capacité d’organisation, infrastructures, popularité du sport dans le pays. Cela éviterait de se baser uniquement sur quelques personnalités d’un comité exécutif restreint et ultra opaque prenant ses décisions à huis clos et de façon anonyme.
En ce qui concerne les réformes externes, il serait pertinent de mettre en place un contrôle externe de ces organisations, qui puisse compléter la procédure interne. Lorsqu’il y a des rumeurs ou des éléments de scandale rapportés par la presse, il faut que l’appareil judiciaire suisse puisse être capable de mener des enquêtes, sans rencontrer d’obstacles, si nécessaire pour vérifier les comptes de l’organisation, les profils des personnes qui gravitent autour de l’organisation ou les dirigeants au sein des différents comités. Cela permettrait de s’assurer qu’en cas de problème, il y ait une procédure judiciaire susceptible d’être ouverte, pouvant mener à l’accusation voire à la punition des coupables lorsqu’il il y en a.
Quelle est la réalité de la corruption dans le sport ? Est-ce que certaines instances internationales se sont saisies de ce problème pour tenter de le réguler ?
Cela fait maintenant plusieurs décennies que l’on pointe du doigt les fédérations sportives ainsi que le comité olympique pour son manque de transparence, d’autant plus que ces fédérations sont domiciliées en Suisse. Elles payent très peu d’impôts dans ce pays et les enquêteurs judiciaires suisses ont par ailleurs très rarement orchestré des enquêtes pour contrôler ce qui se passait au sein de ces fédérations. Le Comité international Olympique (CIO) a été frappé par un scandale autour des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City en 2002, où des pots de vin auraient été distribués pour remporter l’attribution de ces JO. Le CIO a ainsi entrepris des réformes, qui sont en grande partie des réformes de façade. Quoi qu’il en soit, le CIO a réussi à montrer vis-à-vis de l’extérieur des signes de réformes, de transparence, qui font qu’aujourd’hui personne ne remet en cause les modes d’attribution ou de décision au sein du CIO.
En ce qui concerne les autres fédérations sportives comme la FIFA – qui se démarque en tant qu’instance animant le sport le plus populaire et le plus rémunérateur aujourd’hui au niveau mondial -, il y a beaucoup d’argent, très peu de contrôles tant en interne qu’en externe. La FIFA était dans une situation d’impunité. Aujourd’hui, le scandale qui touche la fédération montre que le système Blatter est en train de tomber, marquant la fin d’une certaine époque. Il faut espérer ouvrir une nouvelle ère de transparence pour le sport international.