L'édito de Pascal Boniface

Le spectre d’un nouvel embrasement au Proche-Orient

Édito
6 octobre 2015
Le point de vue de Pascal Boniface

Nous sommes probablement entrés dans une nouvelle vague de violences dans le conflit israélo-palestinien. Si elles ont commencé à l’époque des fêtes religieuses, il est probable que la fin de ces dernières signifie qu’elles vont cesser.


Est-ce le début d’une troisième intifada généralisée aux conséquences imprévisibles ? Un affrontement de type nouveau, mais de toute façon sanglant ? Ce qui pourrait changer avec la révolte présente, ce sont le développement et l’existence de réseaux sociaux qui facilitent les communications.


Ou s’agit-il plutôt de violences récurrentes et mortelles mais restant finalement sous contrôle ? Cette troisième option est hélas peu probable, notamment du fait que, bien que de manière différente, les exécutifs palestiniens et israéliens sont faibles et semblent plus être à la remorque de la radicalisation de leurs sociétés qu’être en mesure d’imposer une ligne.
Ces violences sont un cruel rappel à la réalité, un wake-up call douloureux et sanglant.


Mahmoud Abbas pensait que sa bonne image dans le monde occidental, les multiples démonstrations de soutien qui en provenaient, consolidaient sa démarche diplomatique. Il croyait qu’elle se renforçait, et obtenait des succès symboliques. Certes, la Palestine est désormais État-membre de l’UNESCO, État non membre observateur de l’ONU et son drapeau flotte au siège de l’organisation mondiale. Le problème c’est que tout ceci ne change absolument rien sur le terrain, en termes d’occupation militaire et de la répression qu’elle suscite de façon mécanique. Son mandat aurait dû prendre fin il y a cinq ans ; il est donc en déficit de légitimité démocratique. En l’absence de résultats concrets, sa démarche diplomatique le met également en déficit politique et stratégique. Quelles perspectives propose-t-il à la jeunesse palestinienne? Sa menace de n’être plus lié par les accords antérieurs avec les Israéliens sonne un peu dans le vide, car on ne voit pas exactement ce qu’elle signifie. Tout le monde est d’accord pour soutenir sa démarche d’une solution à deux États, mais elle apparaît de plus en plus comme un mirage. Il n’a pas franchi le pas beaucoup plus lourd de mettre fin à l’Autorité palestinienne.


Les dirigeants israéliens ont pensé que le statu quo jouait en leur faveur. Il est vrai que les pressions diplomatiques sont quasi-inexistantes : Netanyahou a gagné son bras de fer contre Obama et attend paisiblement la fin du mandat de ce dernier pour développer une nouvelle lune de miel avec le prochain ou la prochaine président(e), quel(le) qu’il(elle) soit. Les pays européens sont rentrés dans le rang pour différentes raisons. Les pays arabes du Golfe se sont découvert un ennemi commun avec Israël : l’Iran. Quant à l’Égypte, le général Sissi est certainement le meilleur partenaire que pouvait trouver Israël. L’arrivée au pouvoir en Inde de Modi ouvre même un nouvel appui significatif. Les relations sont par ailleurs très bonnes avec Poutine, même si celui-ci conserve des liens avec le Hamas.


Les Palestiniens devenaient invisibles derrière le mur et ne faisaient plus réellement parler d’eux. Le camp des colons pèse nettement plus que celui de la paix. Il apparait, dès lors, plus risqué à l’opinion et aux dirigeants israéliens de changer quoi que ce soit à leurs positions que de pratiquer l’immobilisme.


Mais une occupation militaire au XXIe siècle ne peut se faire paisiblement sans susciter un rejet. Penser qu’une ligne dure, une répression accrue, ramènera le calme est illusoire. Car il suffit qu’une petite fraction de Palestiniens n’accepte pas la loi du plus fort pour que ce pari échoue.


Le cycle de la violence – attaques palestiniennes, répression lourde et appel à la vengeance – semble enclenché et aura du mal à être maitrisé.

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