ANALYSES

Retour en force de l’Iran sur la scène internationale ?

Interview
23 septembre 2015
Le point de vue de Thierry Coville
Quels étaient les enjeux de la récente visite du chef de l’AIEA en Iran ? Où est en véritablement l’accord sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions ?
Les enjeux sont liés à l’application de l’accord sur le nucléaire iranien signé en juillet 2015. Parmi les éléments de l’accord, certains sujets restent en discussion. Par exemple, l’Iran doit donner à l’AIEA des informations concernant ses activités suspectes s’agissant d’une possible militarisation du programme nucléaire iranien, qui auraient lieu sur le site de Parchin. Autrement, en ce qui concerne l’application de l’accord, la nouvelle résolution a été votée au Conseil de sécurité des Nations unies. L’accord a manifestement passé la barrière du Congrès américain, celui-ci n’ayant pas réussi à s’opposer à son application. Aujourd’hui commence le travail d’inspection de l’AIEA. Elle doit régler un certain nombre de problèmes en suspens et également vérifier que l’Iran remplit ses obligations en appliquant la partie de l’accord qui concerne la réduction du nombre de centrifugeuses ou encore la mise en sommeil du site de Fordo. Une fois que l’AIEA aura considéré les efforts effectifs de l’Iran, elle émettra une déclaration qui aura pour conséquence la levée des sanctions financières.

Comment analysez-vous le renforcement de la coopération russo-iranienne vis-à-vis de la Syrie ? Constitue-t-elle un obstacle aux objectifs diplomatiques de Washington dans la région ?
Cette coopération apparaît cohérente du point de vue de la position des deux pays. L’Iran et la Russie ont toujours affirmé qu’ils soutenaient Bachar al-Assad et indiqué leur volonté de combattre l’Etat islamique. Maintenant que la situation se dégrade sur le terrain, il y a un renforcement logique de l’aide militaire russe au gouvernement du président syrien. L’Iran et la Russie craignent en effet que la Syrie tombe aux mains de l’Etat islamique. Il faut d’ailleurs espérer qu’ils ne sont pas les seuls à avoir cette crainte… Par ailleurs, je ne pense pas que cela constitue un obstacle à la diplomatie américaine dans la région puisque Washington semble finalement assez proche de la position russo-iranienne. Les Etats-Unis considèrent en effet que la priorité du moment est de lutter contre l’Etat islamique, ce qui implique qu’un modus vivendi se mette en place avec Bachar al-Assad.

Une importante délégation d’entreprises françaises s’est rendue en Iran le 20 septembre aux côtés du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et du secrétaire d’Etat au commerce extérieur Matthias Fekl. Quelles sont aujourd’hui les perspectives pour l’implantation du marché français en Iran ?
On ne peut actuellement pas signer légalement de contrats tant que les sanctions ne sont pas levées. Cette visite du MEDEF vise à préparer le terrain dans l’attente de leur levée. L’enjeu est considérable : la France avait en effet la deuxième part de marché en Iran derrière l’Allemagne, notamment dans l’automobile et l’énergie, avant les sanctions, en 2005-2006. On peut d’ailleurs penser que la France pourra faire beaucoup mieux que dans les années 2000. Le marché est maintenant ouvert, comme en atteste la visite des délégations allemandes, autrichiennes ou espagnoles. Des entreprises américaines sont également présentes et négocient avec l’Iran dans un certain nombre de secteurs (énergie, automobile, etc.). Tout le monde veut être présent sur ce marché ; c’est pourquoi il est impératif que les entreprises françaises soient les mieux accompagnées possible. L’économie iranienne reste à 80% contrôlée par l’Etat. La visite du Medef, son caractère institutionnel, permettent ainsi de nouer des relations avec l’Etat qui peuvent bénéficier in fine aux entreprises. Le marché iranien est un marché sur lequel il faut être présent et bâtir des réseaux qu’il faut entretenir. Les entreprises américaines tentent actuellement de récupérer les réseaux français, d’où l’importance de solidifier ces derniers et d’en construire de nouveaux avant la levée des sanctions qui pourrait intervenir début 2016.
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