ANALYSES

Comment investissent les entreprises d’Etat chinoises

Presse
1 juillet 2015
La France reçoit le premier ministre chinois Li Keqiang, du 30 juin au 2 juillet. M. Li vient promouvoir les grands projets stratégiques chinois, tels que la « nouvelle route de la soie » ou la nouvelle Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures (BAII). Mais c’est surtout en matière d’investissements que Paris caresse de grands espoirs, après les opérations de 2014, comme la vente de Club Med au conglomérat privé shanghaïen Fosun ou l’acquisition de 49,9 % de l’aéroport de Toulouse-Blagnac par le consortium chinois Symbiose. Néanmoins, une question s’impose : les dirigeants français sont-ils prêts à accueillir les entreprises d’Etat chinoises comme investisseurs dans leurs infrastructures?

Ces entreprises – 40 % du produit intérieur brut (PIB) chinois – sont en pleine mutation. Près d’une cinquantaine d’entre elles figurent sur la liste Fortune Global 500 des plus grandes multinationales. De nombreux regroupements sont en cours depuis 2014 dans des secteurs comme le rail (China Railways Rolling Stock devenant l’acteur principal) ou le nucléaire, avec la fusion en cours de China National Nuclear Power et China General Nuclear Power.

Dans le secteur pétrochimique, les rapprochements entre des géants tels Sinochem et Cnooc, d’une part, PetroChina et Sinopec, d’autre part, pourraient se préciser. Enfin, l’alliance annoncée entre le fonds souverain chinois CIC et l’entreprise d’Etat Cofco (China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation) va positionner cet ensemble parmi les grands acteurs de l’agroalimentaire. Il est clair que ces entreprises d’Etat géantes bénéficieront d’un accès au crédit encore plus important, ce qui n’est pas sans impact à l’international.

Opinions publiques inquiètes

Plusieurs pays ont autorisé des prises de participation importantes dans l’énergie ou les transports (Italie, Portugal, Royaume-Uni), mais les opinions publiques se sont parfois inquiétées du rôle que pourrait prendre le secteur public chinois en Europe.

L’enquête 2014 de l’institut Pew Research montre que deux des pays européens les plus proches économiquement de la Chine – l’Allemagne et l’Italie – émettent aussi les opinions publiques les plus négatives sur ce pays (seulement 28 % et 26 % d’opinions favorables, respectivement). Les Français ne sont pas en reste : ils reconnaissent l’importance de la Chine, mais émettent des doutes sur le système chinois.

Ce sentiment négatif est une entrave au développement des investissements de l’Etat chinois en Europe. Autant il n’y a pas de raisons de mal accueillir les entreprises privées, autant les entreprises publiques peuvent être perçues comme des entités de l’Etat chinois. A ce jour, les success stories sont rares.

Gestion quotidienne

Du coup, Pékin a lancé un audit des entreprises d’Etat investissant à l’étranger. La campagne anticorruption et la réforme des entreprises publiques, notamment celles placées sous l’égide de la Sasac (State-owned Assets Supervision and Administration Commission, sous l’égide du premier ministre), participent aussi à l’amélioration de l’image de la Chine en Europe.

Leur meilleure attractivité passe aussi par des partenariats sino-européens, à l’image de l’alliance entre le français EDF et l’industrie nucléaire chinoise pour la construction de la centrale nucléaire britannique Hinkley Point C, de la tentative (finalement avortée) de rachat du centre commercial parisien Beaugrenelle, en 2014, par un consortium sino-allemand, de la prise de participation de 14 % du chinois Dongfeng au capital de PSA Peugeot-Citroën.

Mais c’est la gestion quotidienne qui fera la différence. Les entreprises d’Etat sont-elles capables d’administrer des employés non chinois en Europe ? Sont-elles en mesure de créer des emplois et de les garder ? A quelques rares exceptions près, la Chine ne favorise pas l’entrée d’Européens dans ses conseils d’administration, peuplés de hauts cadres du Parti communiste. Elle doit rationaliser la gouvernance de ses entreprises, favoriser l’entrée d’administrateurs indépendants et encourager les audits souverains.

 

Article co-écrit avec Alain Sepulchre
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