13.12.2024
Iran : oui, cet accord sur le nucléaire est historique. C’est le triomphe de la diplomatie
Édito
14 juillet 2015
Le programme nucléaire iranien est limité pendant une décennie
Les relations diplomatiques entre l’Iran et les États-Unis sont rompues depuis 1979. Les négociations sur le programme nucléaire iranien soupçonné d’être à vocation militaire durent depuis 13 ans. La région est l’une des plus sensibles sur le plan géopolitique. La prolifération des armes nucléaires est un sujet stratégique majeur.
Jusqu’au dernier moment, on ne savait pas si les négociations allaient déboucher sur un accord ou échouer. Au vu des enjeux, on ne peut qu’être soulagé de la conclusion de cet accord qui est solide et en rien un accord au rabais. Il peut être résumé en trois points.
1. Le programme nucléaire iranien est limité pendant une décennie. Le nombre de centrifugeuses va passer de 19.000 à 5.060, le stock d’uranium enrichi limité à 300 kg et le réacteur d’Arak mis sous contrôle international.
2. En échange, il y a non pas une suspension mais une levée des sanctions internationales.
3. L’agence internationale de l’énergie atomique aura accès à l’ensemble des installations iraniennes à fin de pouvoir détecter toute tentative de détournement de l’atome à des fins militaires.
Une défaite pour les faucons et les néo-conservateurs
Quelle analyse peut-être fait de cet accord ?
1. C’est d’abord le triomphe de la voie diplomatique. Les négociations ont été longues et incertaines faites de ruptures et de reprises, mais elles ont abouti. Chacun sort gagnant. L’Iran se voit reconnaître le droit à l’atome civil, il n’est pas humilié. En échange, les autres puissances ont des garanties sérieuses de parvenir à leur objectif : empêcher la prolifération des armes nucléaires.
2. Ce ne sont pas que des pays occidentaux qui ont négocié avec l’Iran mais également la Chine et la Russie, qui n’avaient pas plus envie de voir Téhéran se doter de l’arme nucléaire. Pour une fois, on n’a pas confondu communauté internationale et communauté occidentale. Cela a payé.
3. C’est une défaite pour tous ceux, faucons ou néo-conservateurs, qui depuis une dizaine d’années nous disent que, pour regrettables qu’ils soient, seuls des bombardements militaires pouvaient empêcher l’Iran d’aller vers la bombe. C’était généralement les mêmes qui ont soutenu – avec le succès que l’on connait – la guerre en Irak.
4. C’est un succès pour la diplomatie française. Certains pensaient que la France voulait faire échouer à tout prix l’accord. Laurent Fabius a été cohérent en soulignant le besoin de trouver un accord robuste depuis le départ. La diplomatie américaine en quête de succès diplomatique était prête à conclure un accord au rabais. Un accord solide certifiant que l’Iran ne pourra pas aller vers l’arme nucléaire est le meilleur argument à opposer aux partisans d’une solution militaire et aux ennemis de la solution diplomatique. La position française n’a pas empêché un accord, elle a permis de déboucher sur un accord difficilement critiquable.
5. Cet accord sur le nucléaire ne lève pas les doutes sur la politique iranienne à l’intérieur et à l’extérieur. Le régime reste répressif sur le plan interne. Mais on peut penser que l’allègement du sentiment d’encerclement donnera plus de marge de manœuvre à l’opposition à la société civile qui a toujours plus de mal à s’exprimer lorsque des menaces extérieures pèsent sur un pays.
C’est un pas dans la bonne direction
Désormais, l’Iran va-t-il modérer son comportement international, notamment en Syrie, où il est le principal soutien du régime de Bachar al-Assad ? Les craintes des pays du Golfe qui redoutent que la fin des sanctions économiques vienne stimuler ses ardeurs et développer ses capacités sont-elles justifiées ?
La question reste ouverte mais on peut espérer qu’un climat de confiance permettra de nouer un dialogue tous azimuts avec Téhéran. Toujours est-il que le maintien de l’embargo sur les armes pour une durée de cinq ans vient donner une garantie.
Les bonnes nouvelles sur le plan stratégique sont suffisamment rares pour qu’on ne puisse pas se réjouir lorsqu’il en survient une. Cet accord ne vient pas régler tous les problèmes de la région mais c’est un pas dans la bonne direction.