19.12.2024
Poutine, l’Otan et l’Ukraine
Presse
7 juillet 2015
Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, a présenté ses nouveaux déploiements comme le plus grand renforcement des troupes de l’Otan depuis la fin de la guerre froide. En réplique, Poutine a déclaré que « c’était la démarche la plus agressive du Pentagone depuis la fin de la guerre froide », et il a annoncé que la Russie allait se doter de quarante nouveaux missiles nucléaires intercontinentaux. Mais Moscou reste dans les limites du traité Start de limitation des armes stratégiques, signé avec Washington.
La Russie ne va bien sûr pas attaquer les pays Baltes ni la Pologne. Poutine est certainement machiavélique mais il n’est pas fou. Le budget militaire de la Russie équivaut à 10 % de celui de l’Otan. Le renforcement des forces de l’Otan n’a pas d’utilité militaire. Il n’est pas en tous les cas de nature à faire baisser les tensions. L’Otan semble ravie de pouvoir prouver son utilité.
On est bien sûr dans la gesticulation. Mais on peut se demander à quoi tout cela est bien utile et si ce n’est pas de nature à faire monter la pression entre la Russie, l’Ukraine et les pays occidentaux. Il y a un engrenage funeste qui se met en place.
Heureusement, les accords de Minsk ont été signés à l’initiative de l’Allemagne et de la France. Certes, ils n’ont pas débouché sur un règlement du conflit. Du moins, ont-ils permis d’éviter qu’il ne s’embrase. Ils ont permis de laisser du temps à la diplomatie. On n’est plus dans un conflit généralisé mais dans des violations épisodiques du cessez-le-feu.
Quelles sont les intentions de Poutine vis-à-vis de l’Ukraine ? Il a dit plusieurs fois à ses interlocuteurs occidentaux qu’il n’était pas intéressé par le Donbass. C’est sans doute vrai. Ce serait pour lui un fardeau peu utile. En même temps, il ne peut pas donner l’impression qu’il se désintéresse du sort des populations de cette région.
Mais, si le président russe voulait réellement régler le problème, il exercerait une pression bien plus forte sur les séparatistes de cette région. Il ne les contrôle peut-être pas totalement mais a une grande influence sur eux. Il aurait plus intérêt, après avoir empoché la Crimée, à calmer le jeu. Son attitude actuelle ne peut que renforcer les peurs de certains pays européens vis-à-vis de la Russie et finalement faire le jeu des faucons américains et de la structure de l’Otan, qui trouve dans la crise une raison à son existence. Le conflit ukrainien peut devenir un conflit gelé de basse intensité. Poutine verrait alors l’Ukraine s’enfoncer de plus en plus profondément dans la crise. L’inflation ronge déjà le pays (25 % par mois, semble-t-il) et l’économie est en lambeaux.
Mais, les autorités ukrainiennes ne savent pas elles-mêmes trop bien comment agir. Quelques-uns essaient de mobiliser en leur faveur les faucons américains, ce qui est plus facile que de mettre au pas les oligarques et de lutter contre la corruption. La nomination de Saakachvili, l’ancien président géorgien, comme gouverneur d’Odessa est une pure provocation à l’égard de Moscou.
Les sanctions économiques coûtent à la Russie mais elles coûtent également cher aux pays européens. On n’est pas comme dans la situation iranienne, où les sanctions affectent dans des proportions incomparables l’État qui les subit et les États qui les mettent en œuvre.
La prolongation du conflit ne coûte rien aux Américains, justifie le renforcement de leur présence en Europe. Il est à terme catastrophique pour l’Ukraine. Il est coûteux pour les pays européens et la Russie.
La France et l’Allemagne, qui ont avec les accords de Minsk déjà empêché le conflit de dégénérer, sont les mieux placés pour sortir de cette impasse. Il faut pour cela montrer à Poutine qu’il a plus à perdre qu’à gagner à jouer le statu quo, calmer les ardeurs des faucons en Ukraine et à l’Otan, et agir avant l’échéance électorale américaine.