ANALYSES

BHL, Fourest, Chalgoumi, Pascal Boniface contre les «pompiers pyromanes»

Presse
30 juin 2015

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS ne manie pas la langue de bois et le prouve dans son dernier ouvrage, Les Pompiers pyromanes. A travers des figures comme Bernard-Henri Levy, la journaliste Caroline Fourest ou encore l’imam Hassen Chalgoumi, le chercheur démontre comment ces personnalités à l’omniprésence médiatique contribuent à dresser au final les communautés les unes contre les autres.


Avez-vous trouvé facilement un éditeur pour ce livre, alors que pour le précédent, Les Intellectuels Faussaires, vous aviez rencontré des difficultés pour le publier?


Le même problème a resurgi. La maison d’éditions qui avait publiéLes Intellectuels Faussaires a fait faillite entre temps malgré le succès du livre. Plusieurs éditeurs qui ont pignon sur rue et qui m’avaient contacté pour que je publie chez eux ont refusé quand je leur ai présenté ce projet précis. Une fois de plus, j’ai eu les plus grandes difficultés à publier ce livre, on est dans un pays de libertés mais le monde de l’édition en France demeure un monde particulier.


Comment l’expliquez-vous?


Il y a une sorte d’omerta et une complicité entre certains acteurs. Je mets en cause dans ce livre des gens qui ont des positions centrales. Un éditeur m’a précisé que ce livre était intéressant mais que s’il le publiait, il pourrait y avoir des pressions pour que des auteurs édités cessent de l’être. Il y une sorte de complicité entre ces gens dans un tout petit monde. Ils réclament et se réclament de la liberté et de l’indépendance mais, au final, c’est pour dire tous la même chose. Quand quelqu’un offre une voix un tout petit peu dissonante ou différente d’eux, il lui est beaucoup plus difficile de pouvoir s’exprimer.


Les médias ont-ils couvert la sortie de votre ouvrage?


Il a eu assez peu de recension. La raison en est simple: j’attaque des gens qui ont des positions centrales dans les médias. Certains pensent, à tort ou à raison, qu’ils ont des capacités de rétorsion. D’autres ont tout simplement peur d’eux. A part RMC et Jean-Jacques Bourdin qui m’ont invité, les autres grands médias, radios ou journaux, préfèrent ne pas rendre compte de ce livre.


Vous dites que ces pompiers pyromanes ne sont plus crédibles mais sont incontournables. Comment expliquez-vous ce paradoxe et qu’est-ce que cela dit de la scène médiatique et intellectuelle française?


C’est effectivement un paradoxe. Ce sont des gens qui n’ont plus de public, pour la plupart d’entre eux en tout cas. Par exemple Bernard-Henri Levy est présent dans tous les médias. Pourtant, ses livres ne se vendent plus, personne n’est allé voir son film et sa pièce de théâtre a été un échec pathétique. Mais il est toujours très présent médiatiquement car ses amis, éditorialistes ou directeurs de journaux, continuent à l’inviter. Il y a là une sorte de coupure entre la base du public et une élite tournée sur elle-même qui n’est plus en phase avec la réalité. Or cette même élite dénonce la populisme alors que, par son attitude, elle le nourrit.


Les attaques à votre égard sont parfois violentes. Pourquoi concentrez-vous autant de ressentiments?


Je dirige un centre de recherches qui est relativement important. Je ne répète pas le discours dominant. Dans ces conditions, je suis un adversaire qui est jugé par ces gens plus dangereux que si j’étais un simple universitaire. La direction de ce centre de recherches reconnu vient aggraver mon cas. Il y a eu des tentatives de couper les sources de financement de l’IRIS ou de faire démissionner les membres du conseil d’administration de l’institut. Frédéric Haziza, par exemple, un journaliste qui travaille sur La Chaîne Parlementaire (LCP), a fait le tour de l’ensemble des membres du conseil d’administration de l’IRIS pour les faire démissionner. Evidemment tous ou presque ont refusé. Cela montre bien le type de pression que je peux recevoir.


Est-ce que cela tient aussi à la ligne d’analyse de l’IRIS sur certaines questions internationales, comme l’Atlantisme par exemple?


Il n’y pas d’avis de l’IRIS sur les sujets internationaux, chaque chercheur de l’IRIS est libre de s’exprimer comme il l’entend. Mais j’ai moi-aussi mes positions et il est clair qu’il y a une doxa occidentale. Je ne suis pas moi-même un atlantiste ou je ne suis pas un occidentaliste. Je m’inscris dans une ligne gaullo-mitterrandiste. Le paradoxe est que cette ligne est précisément majoritaire dans le paysage politique français, et aussi chez les Français. Mais elle est minoritaire dans le paysage médiatique où les Atlantistes et les Neo-conservateurs ont beaucoup plus d’espace.


La question du conflit israélo-palestinien semble très présente dans le paysage médiatique et intellectuel français. Mais ne pensez-vous pas que cette question, dont on disait qu’il ne fallait pas l’importer en France, l’est déjà?


Ce conflit est importé depuis très longtemps, notamment du fait d’une partie des organes communautaires juifs qui demandent la solidarité avec Israël. Ils importent eux-mêmes ce conflit . L’absence de perspective de paix au Proche-Orient rend le climat intellectuel un peu plus pesant encore en France. Du fait de cette non assurance de Paix, très rapidement l’accusation d’antisémitisme est produite à l’égard de ceux qui ne sont pas antisémite mais critiquent simplement le gouvernement israélien. Par exemple, si on critique Vladimir Poutine en France, on ne dira pas que l’on fait du racisme anti-russe mais qu’on exerce une opinion politique. Mais si on critique Benjamin Nétanyahou, l’accusation d’antisémitisme viendra très vite.


Vous dites qu’Alain Soral est le produit d’un système, que voulez-vous dire par là?


Alain Soral a été complètement sorti des médias de part ses positions, qui sont d’ailleurs extrêmes et que je condamne. Il s’est fait du coup une sorte d’habit anti-système qui le sert J’explique qu’il y a aussi un couple Alain Soral et Frédéric Haziza. Le premier a fait une pétition contre le second. Mais cette pétition a rendu Frédéric Haziza intouchable car parce qu’il a été attaqué par quelqu’un d’extrême-droite comme Alain Soral, il peut se permettre n’importe quel non respect de la Charte de déontologie des journalistes. Dés qu’on l’attaque, il prétend alors que vous êtes d’extrême-droite, fasciste ou antisémite. Il s’est découvert une défense absolue avec cet argument.


Vos parlez également de Hassen Chalgoumi qui est devenu l’imam vedette des plateaux de télévision. Pourquoi lui?


Ce n’est pas quelqu’un qui prône le rapprochement entre Juifs et Musulmans, la plupart des Musulmans le prônent eux-mêmes. C’est simplement quelqu’un qui va défendre la politique israélienne et c’est en ce sens qu’il a de l’importance. C’est en fait un propagandiste de la politique israélienne.


Comment expliquez-vous la grande présence médiatique de Caroline Fourest malgré ses approximations qui ont été soulignées même par le CSA?


C’est là aussi une spécifité française. Dans la mesure où Caroline Fourest est dans le cas du Bien, du camp occidental, dans le camp anti-musulman, elle peut se permettre n’importe quoi. Alors que ses mensonges et calomnies ont été largement repertoriés et documentés, elle a quand même une impunité médiatique assez confondante.


Vous dites avoir été interdit d’antenne sur France Inter?


Du temps où Philippe Val était directeur de France Inter, il m’avait interdit d’antenne du fait de ses positions pro-israéliennes. Les thèses que je défends plaisent au public français qui me le dit régulièrement. Mais elles déplaisent aux responsables des médias, ce qui peut expliquer que je n’ai pas d’émissions régulières sur les ondes nationales.

Sur la même thématique