Turquie: à qui profite la tension créée par le DHKP-C?
A deux mois des élections législatives, la Turquie traverse une période de tensions. Plusieurs attaques ont eu lieu dans le pays la semaine dernière. Celle contre un bus du club de football turc, le Fenerbahçe, mais aussi deux actions revendiquées par le groupe d’extrême gauche le DHKP-C. L’organisation a notamment enlevé un procureur au palais de justice d’Istanbul. Qu’est-ce que le DHKP-C? Réponse avec Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques.
Le DHKP-C, c’est quoi?
Tout d’abord le DHKP-C, c’est une organisation de la gauche radicale. C’est même plutôt un groupuscule parce qu’il n’a aucune prétention à s’acquérir une base militante, une base de masse. Il est d’ailleurs impossible de savoir combien de militants composent le DHKP-C. Peut-être une dizaine seulement. Cette organisation est mystérieuse: on en n’entend pas parler pendant des mois, parfois des années puis elle ressurgit avec telle ou telle action de type terroriste.
Et elle choisit de lancer ses actions dans un contexte particulier?
Cette organisation commet des actes terroristes seulement dans des périodes de tensions politiques comme en ce moment en Turquie. Nous sommes dans une période de forte polarisation politique, à deux mois des élections législatives en juin prochain. Et cela dure depuis deux ans et la crise de Gezi, cette occupation du parc d’Istanbul qui avait suscité de fortes tensions politiques et une grande répression de la part de la police. On a donc l’impression que cette organisation joue systématiquement la stratégie de la tension, c’est-à-dire qu’elle exacerbe par ses actions les tensions, les polarisations politiques.
A qui profite le crime?
Dans ce contexte-là, c’est toujours le pouvoir en place qui essaie de tirer les marrons du feu. Nous savons que le président turc Erdogan est dans une stratégie d’affrontement direct avec ses adversaires politiques. Puis, il y a trois semaines, a été votée au Parlement turc une loi liberticide qui permet à la police d’intervenir contre les manifestations, de les interdire préventivement. Il est clair que le type d’actions que mène le DHKP-C en Turquie se situe dans un moment où le pouvoir essaie de restreindre le champ des libertés individuelles et collectives et dans un contexte de forte polarisation politique. Dès de moment se pose la question: à qui profite le crime? Je pense que c’est le pouvoir qui tente de restreindre les libertés.