21.11.2024
Un sommet des Amériques sous influence iranienne
Presse
22 mars 2015
La mort d’un procureur argentin à Buenos Aires le 18 janvier 2015, et les injonctions adressées par le président Obama aux autorités du Venezuela le 9 mars 2015 sont venues rappeler à ces deux pays latino-américains et à leurs voisins la capacité expansive des désordres du monde. Le choc de ces deux évènements a brutalement réactualisé la vieille tectonique des plaques géopolitiques. Avec une différence toutefois dans la répartition des rôles. Les Etats-Unis d’Amérique du nord sont toujours juges des comportements politiquement corrects. Mais le rôle du méchant, en revanche est attribué non plus à l’Union soviétique, disparue, ni même à la Russie. C’est l’Iran, en Amérique latine qui joue les épouvantails.
Le sud du Rio Grande avait saisi la fenêtre diplomatique ouverte par la fin de la guerre froide. CELAC, (Communauté des Etats de l’Amérique latine et de la Caraïbe) UNASUR, (Union des nations d’Amérique du sud), ont été créées par les latino-américains, afin d’inventer de solides coopérations régionales. Ces organisations ont facilité la recherche de solutions «maison» à toute une série de contentieux. Ce cycle vertueux, a-t-il épuisé ses vertus ? Les nouvelles tensions internationales, ont-elles dépassé les capacités du nouveau régionalisme latino-américain ?
L’Argentine, est l’un des foyers des nouvelles incertitudes. Déjà en 1992 et en 1994, la présence d’une forte communauté de religion juive, en avait fait le terrain d’affrontements terroristes. Les conflits du Moyen-Orient s’étaient délocalisés à Buenos Aires. L’ambassade d’Israël avait été ciblée en 1992 et en 1994 les bureaux d’une mutuelle de la communauté juive, l’AMIA. Le premier attentat avait causé la mort de 27 personnes et 85 personnes pour le second. Les auteurs de ces deux attentats vingt ans plus tard ont peut-être été identifiés, mais ils courent toujours.
Le magistrat en charge du dossier depuis 2004 avait signalé une demi-douzaine de suspects qu’il souhaitait entendre. L’un d’entre eux un libanais était présenté comme membre du Hezbollah. Et les cinq autres étaient des ressortissants iraniens proches du pouvoir. Interpol avait été saisi. Le dossier s’est perdu au fil de tentatives avortées de compromis entre réalisme économique et respect de la justice. Alberto Nisman, le procureur en charge de cette affaire, a été retrouvé mort par balle dans son appartement le 18 janvier 2015. L’Iran est au cœur de ce drame. Alberto Nisman avait en effet suspendu ses vacances espagnoles le 12 janvier pour demander publiquement à entendre la présidente de la république, Cristina Kirchner. Il soupçonnait la chef d’Etat d’entrave à la justice et d’entente avec l’Iran. La première personne ayant rendu publique la mort du magistrat, sans révéler ses sources, est un journaliste du quotidien anglophone «Buenos Aires Herald». Ce journaliste binational, argentin et israélien, quelques heures après cette annonce a signalé sa présence à Tel Aviv pour des raisons de sécurité non précisées.
A qui profite le crime ? Certainement pas à l’Iran engagé dans un cycle de négociations avec l’administration Obama. Pas plus qu’à la présidente argentine soucieuse de calmer les esprits échauffés par l’approche d’élections nationales. L’évènement en tous les cas a eu deux conséquences. La priorité du moment n’est plus de rechercher les auteurs des attentats de 1994. Elle est centrée sur la responsabilité éventuelle de la présidente dans la mort du procureur chargé du dossier AMIA. La perspective d’une réconciliation entre Buenos Aires et Téhéran, n’est plus à l’ordre du jour. L’Argentine ne pourra pas dans un avenir proche entrer dans le cercle des pays latino-américains ayant comme la Bolivie, et le Venezuela une relation forte avec l’Iran.
Le 9 mars 2015 le président des Etats-Unis a rendu public un acte exécutif stigmatisant le Venezuela. Caracas est, selon ce décret présidentiel, soumis à des sanctions en raison de «la menace exercée sur la sécurité nationale et la politique étrangère des Etats-Unis». Les sanctions adoptées à l’encontre de la Russie après l’annexion de la Crimée (n°13685), celles qui visent le gouvernement syrien de Bachar El-Assad, pour les violences commises à l’égard de son peuple, (n°13582), ne parlent pas d’atteinte à la sécurité nationale des Etats-Unis. Il faut remonter à 2008, pour trouver une formulation voisine sous la plume de George Bush, prédécesseur de Barak Obama. Il s’agissait alors de punir la Corée du Nord suspectée de prolifération nucléaire (acte exécutif n°13466).
Le Venezuela ne détient pas d’armement atomique. Il n’a pas de programme nucléaire, ni même l’intention de s’en doter. Il ne menace en aucune manière la sécurité des Etats-Unis. Dans le passé les Etats-Unis, compte-tenu de cette réalité, ont indiqué qu’ils pouvaient coexister avec ce régime bien qu’ils ne l’apprécient pas. Au nom de cette logique Obama négocie un compromis avec les communistes cubains. Comment comprendre cette montée d’adrénaline ? Sans doute faut-il faire un détour par le Congrès des Etats-Unis hostile à la diplomatie présidentielle. Barak Obama négocie un accord sur le nucléaire avec l’Iran. Il dialogue avec Cuba pour rétablir une relation rompue en 1962. Un groupe d’élus républicains a de façon insolite écrit aux autorités de Téhéran pour saborder toute possibilité d’entente. Le sénat a invité le premier ministre israélien. Benyamin Netanyahou a saisi le parlement des Etats-Unis pour critiquer tout rapprochement avec l’Iran. D’autres élus, républicains, mais aussi démocrates, ont vivement regretté le dialogue engagé avec La Havane. Dans un tel contexte, Caracas, qui a permis à l’Iran de construire des coopérations de tous ordres en Amérique latine, constituait sans doute pour le président, le maillon offrant à ses opposants une compensation pour un coût diplomatique minimal.
Mais il n’y a pas de risque diplomatique zéro. Les 10 et 11 avril Barak Obama doit retrouver à Panama ses pairs des Amériques. Ce septième sommet hémisphérique, jusqu’au 9 mars, se présentait comme celui de la réconciliation. Le dialogue Washington-La Havane était salué par les pays bolivariens. Tout autant que par les amis et alliés des Etats-Unis qui de Colombie au Mexique entretiennent des rapports confiants avec les frères Castro. Panama sera sans doute le sommet de nouvelles discordes. Depuis quelques jours les latino-américains ont inscrit à l’ordre du jour de leurs diverses organisations interrégionales les réponses opposables au décret présidentiel des Etats-Unis sanctionnant le Venezuela.