27.11.2024
France – Maroc, l’impossible rupture
Tribune
11 mars 2015
Manière très policée de souligner que la raison et les intérêts l’ont emporté sur toute autre considération. La colère du Maroc s’exprime en février 2014, suite à la volonté des forces de police françaises de délivrer une convocation destinée au chef des services de renseignements Abdallah Hammouchi, pour des « actes de torture » présumés, suite à la plainte d’un marocain résidant en France. La maladresse réside dans le fait que cette convocation fut portée à la résidence de l’Ambassadeur du Maroc à Neuilly. L’instruction judiciaire est en cours et peut ressurgir à tout moment.
Cette brouille a entrainé pendant un an le gel de la coopération judiciaire, et de l’échange de renseignements à propos de la lutte contre le terrorisme entre les deux pays. C’est sur le second volet que la France a été la plus inquiète. Depuis l’intervention militaire de Paris au nord du Mali, le Maroc a joué un rôle important dans l’échange d’informations et l’indentification des réseaux de contrebande, de trafics de drogue ou d’êtres humains. La source s’est tarie brutalement et le Maroc a fait savoir qu’il n’était pas pressé de reprendre la coopération sans une redéfinition de la relation bilatérale. Une manière habile de rappeler que dans le Royaume vivent 70 000 Français, que la plupart des entreprises du CAC 40 y sont également présentes, et surtout de retrouver une place privilégiée face au rival algérien. Depuis quelques années, le Maroc a apporté une dimension supplémentaire à sa diplomatie : l’Afrique. La profondeur stratégique que donne le Sahel est devenue un enjeu géostratégique entre l’Europe et l’Afrique, et le Maroc y joue un rôle incontournable. De plus, la stabilité intérieure en fait un partenaire fiable. Toutefois, à Rabat, personne ne nie que la menace est réelle et qu’elle pèse sur le pays. L’Etat islamique a menacé le royaume chérifien dès l’été dernier. Dans un environnement marqué par la guerre au Mali, le chaos en Libye, une « presque guerre civile » entre les islamistes et l’armée en Egypte, le Maroc fait figure de havre de paix.
La réconciliation qui se profile a un nouveau visage : le multilatéralisme côté marocain et la volonté côté français de maintenir une relation unique. La France ne peut assumer seule cette « relation unique », l’Europe est un acteur économique important dans de nombreux projets que l’hexagone n’a plus les moyens de financer.
Nous assistons, sans doute, à une clarification de la diplomatie marocaine. Même si la France reste un acteur central au Maroc, il doit désormais composer avec les autres membres de l’Union européenne, notamment l’Espagne, et l’Afrique qui devient un enjeu économique et politique pour le royaume.
La France et le Maroc sont confrontés à des défis de nature différente. La lutte contre le terrorisme ne peut servir à masquer les réalités qui pointent et qui accélèrent le temps des ruptures et des décisions douloureuses. L’émergence de l’Etat islamique au Maghreb fait peser une menace réelle sur l’avenir de ces pays et les acquis démocratiques. C’est là que la France peut jouer un rôle historique en favorisant un rapprochement entre le Maroc et l’Algérie, et être un facilitateur dans le règlement du dossier du Sahara ensablé depuis près de quarante ans.