L'édito de Pascal Boniface

Moscou qui impose à Kiev l’ultimatum de l’Otan au Kosovo en 1999 : un scénario catastrophe

Édito
9 mars 2015
Le point de vue de Pascal Boniface
Pour mettre fin aux affrontements entre indépendantistes pro-russes, qui réclament le droit à la sécession et à l’indépendance, et l’armée gouvernementale ukrainienne, qui se bat pour le maintien de l’intégrité territoriale du pays, les Russes ont proposé une médiation qui a échoué.

Un ultimatum inacceptable

Disant vouloir éviter un nettoyage ethnique et mettre fin aux combats dont la population civile est la première victime, l’armée russe se propose de surveiller un cessez-le-feu. Pour le mettre en place, Moscou a lancé un ultimatum aux Ukrainiens pour les obliger à se conformer à ses décisions.

Cet ultimatum contient le passage suivant :
« Le personnel russe aura, de même que ses véhicules, navires, aéronefs et équipements, toute liberté d’accès et de passage sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine, y compris son espace aérien et ses eaux territoriales. Cette faculté comprendra, de manière non limitative, le droit de bivouaquer, de manœuvrer, de se loger et d’utiliser toutes zones ou toute installation pour des besoins logistiques, d’entraînement ou opérationnel ».

Evidemment, cet ultimatum était inacceptable pour le gouvernement de Kiev. Il aurait constitué une violation flagrante de sa souveraineté et aurait fait peser de lourdes menaces pour son avenir en tant qu’État souverain. Logiquement, Kiev l’a donc rejeté.

Cela a amené les Russes à employer la force armée pour faire céder les Ukrainiens, allant jusqu’à bombarder la capitale, détruire de nombreuses infrastructures, faisant forcément des victimes parmi la population civile (les dommages collatéraux). Les Russes vont jusqu’à détruire l’ambassade britannique par un tir de missile en plaidant cependant pour l’erreur de ciblage.

Ah, OUPS, excusez-moi, je me suis trompé dans mes fiches ce qui m’a conduit à faire une légère confusion. Il faut remplacer « personnel russe » par « personnel de l’Otan », « l’Ukraine » par « République fédérale de Yougoslavie » et « ambassade britannique » par « ambassade de Chine ». Et là, vous aurez le scénario exact de l’ultimatum lancé par l’Otan à la Yougoslavie en 1999.

50% de la population au chômage

Pour le reste, le scénario fonctionne de la même façon. C’est pour éviter un nettoyage ethnique que les forces de l’Otan ont déclaré la guerre à la Yougoslavie en 1999, sans mandat légal.

Officiellement, il ne remettait pas en cause son intégrité territoriale. Mais comme prévu, le Kosovo, une fois que les forces yougoslaves ont été expulsées et remplacées par les forces de l’Otan, s’est déclaré indépendant en 2008, non sans avoir auparavant exercé des mesures de rétorsion sur la population serbe établie au Kosovo : un nettoyage ethnique à rebours.

Malgré les milliards dépensés par la communauté internationale, l’État du Kosovo n’est toujours pas stabilisé.

Certains de ses dirigeants sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre et d’avoir participé à des trafics d’organes sur des prisonniers serbes. Un article de « Mediapart », intitulé « Un exode massif vide le Kosovo de sa population », vient de nous apprendre que près de 10% de sa population a fui le pays depuis quelques mois (100.000, 200.000, sur les quelques 1,8 millions d’habitants), où la misère règne et où l’emprise des mafias se développe. Le chômage réel touche 50% de la population et 80% de la jeunesse.

L’Otan est mal placé

Autant dire que l’Otan est mal placée pour participer à la solution de la crise ukrainienne et pour plaider de façon crédible pour le maintien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

On ne reviendra pas sur l’indépendance du Kosovo, même si on peut légitimement s’interroger sur la gestion par les Occidentaux de l’après-guerre.

On ne reviendra pas sur l’annexion de la Crimée par la Russie, les diplomates occidentaux le reconnaissent en privé.

Donc plutôt que de faire des leçons de morale, pour lesquelles les Occidentaux ne sont pas aussi bien placés qu’ils le croient (encore moins ceux qui ont soutenu la guerre d’Irak), il faut espérer que la médiation franco-allemande réussisse.
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